Archive for the 'Marathon critique !' Category

18
Août
14

Marathon critique BD, in 2014 we trust

La honte… Federico vous promettait de chouettes lectures le mois dernier, mais il est lâchement parti en vacances, vous laissant vous morfondre des semaines sans savoir quelles bandes dessinées lire sur la plage/montagne/couette/glacier/parapluie/pirogue/métro (choisissez le bon lieu de villégiature)… Pour se faire pardonner, voilà de la BD cru 2014, qui, elles, ne vous décevront pas. C’est parti mon kiki !

Adrastée

Commençons par un coup de cœur !

© Ankama, 2013Un roi immortel se réveille après mille ans passés immobile sur son trône ; son palais de l’ancien royaume d’Hyperborée est désert, envahi par la végétation. L’homme retrouve peu à peu ses souvenirs sur sa naissance, son règne et la femme qu’il a aimé mais dont il ne se rappelle ni le visage ni le nom. En colère sur sa condition d’immortel, il décide de se rendre au mont Olympe pour questionner les dieux. Au cours de son voyage, il rencontre géants, sphinges, nymphes, mais aussi des soldats querelleurs, des cités orgiaques et une reine toute puissante et maudite…

Pour Federico, Adrastée est une fable étonnante et singulière sur l’immortalité, mais demeure avant tout une ode au monde mythologique. À travers les pas de ce roi mélancolique, l’auteur nous offre une réflexion poétique sur ce qui fait le mythe, sa source et sa propagation, entre le fantastique et le réel.

© Ankama, 2014Cette bande dessinée magnifique est un véritable voyage sur la terre des dieux, mortels et autres créatures fantastiques ; la nature luxuriante et indomptée ainsi que les ruines abandonnées et autres palais somptueux, sont dessinés avec une minutie déconcertante. À chaque page, les couleurs explosent et se renouvèlent, conférant aux deux tomes complémentaires une unité maîtrisée. C’est ce dessin, ces couleurs et cette fable poétique qui ont emmené notre ami lapin dans ce voyage, au premier abord confus et incertain, mais qui ne perd jamais le nord… Chapeau bas !

Adrastée, tomes 1 & 2, Mathieu Bablet, 2013 & 2014, Ankama, 80 pages chacun

Moderne Olympia

Federico adore Catherine Meurisse lorsqu’elle nous parle de ses hommes de lettre ; et même s’il a été un peu étouffé par le frénétique enthousiasme de son dernier né, c’est encore sa copine. Car oui, Moderne Olympia, c’est quand même un beau boxon !

© Futuropolis, Musée d'Orsay, 2014Imaginez le musée d’Orsay comme un mix entre une grande foire très animée et un plateau de tournage… La grande star en est Vénus (celle de Cabanel), accompagnée de ses chérubins, elle est de tous les tableaux. Et il y a Olympia qui, fidèle à l’œuvre de Manet, se balade à poil ! Elle aimerait percer dans le showbiz, mais enchaîne gaffe sur gaffe, s’attirant les foudres de Vénus. Mais cela ne l’empêchera pas de rencontrer Romain sur le tournage de Romains de la décadence, et de rejouer West Side Story dans l’ancienne gare parisienne…

Ça part donc dans tous les sens, c’est bien rigolo, et notre ami lapin s’est amusé à reconnaître les tableaux de ce musée qu’il apprécie particulièrement… mais qu’est-ce que c’est épuisant par tant de désordre ! Federico a pu reprendre son souffle une fois la bande dessinée refermée, et s’est tourné vers quelque chose d’un peu plus reposant, comme Kanopé par exemple.

Moderne Olympia, Catherine Meurisse, 2014, Musée d’Orsay-Futuropolis, 72 pages

Kanopé

© Delcourt 2014Voilà une bande dessinée sympa, juste sympa. Dessin agréable, scénario qui tient debout, personnages attachants, morale gentille. Federico ne voit pas trop ce qui aurait pu être retiré ou ajouté pour faire de cette bande dessinée sympa une bande dessinée extraordinaire, intense ou mémorable. Mais ce n’est pas grave, car il a eu beaucoup de plaisir à la lire ; et si elle est un peu idéaliste, elle n’est pas non plus stupide.

Kanopé est donc une histoire de science-fiction post-apocalyptique assez classique : sur Terre, dans la forêt amazonienne, des anciens rebelles appelés « éco-martyrs » vivent séparés de la civilisation restante rongée par la surtechnologie, la pollution et une terrible maladie radioactive. L’héroïne, Kanopé, vit seule dans sa cabane, jusqu’à ce que débarque Jean, un hacker en fuite. Les premiers contacts sont rudes, mais bien vite Jean se rendra compte qu’il aura besoin de Kanopé pour survivre, et plus si affinités… Ouais, c’est love !

Notre ami lapin a aimé le ton sincère, sensible et prometteur de l’auteure. Rien de plus à ajouter.

Kanopé, Louise Joor, 2014, Delcourt, collection Mirages, 124 pages

Délices, ma vie en cuisine

C’est la mode des blogs BD, certes, et le rayon cuisine est lui aussi bien fourni. Mais en avez-vous lu beaucoup des bandes dessinées qui parlent d’alimentation, bouffe et autres joyeuses ripailles ? Pas des masses… et bien maintenant, il y a Délices, et quel délice ! (oui, c’est facile)

© DelcourtEt c’est une américaine qui nous parle de ses plaisirs des papilles, à travers ses souvenirs d’enfance, d’adolescence et de jeune femme. Pour Lucy Knisley, manger, c’est aussi cuisiner et surtout partager. Passer un bon moment, donc, dans la confection du repas et dans sa dégustation, se créant ainsi des souvenirs tout aussi savoureux. Il faut dire que sa mère fut cuisinière puis maraichère, et son père fin gastronome… Sa sensibilité à la nourriture et aux saveurs se fit tôt, dans les cuisines de restaurants new-yorkais, puis dans la campagne du New Jersey, aux grands repas de famille, au cours de voyages au Mexique, au Japon et en Europe, dans une coloc’ étudiante à Chicago, etc.

Federico a littéralement savouré ce récit autobiographique : d’une part parce que le ton de l’auteure est touchant de franchise et de naturel, et d’autre part parce que la bande dessinée fait la part belle au plaisir décomplexé de bien manger, que ce soit varié, équilibré, gras, innovant, banal, simple, compliqué, tout seul, à plusieurs, bref, tant qu’on suit ses envies !

Tout ça donne la patate… et faim ! Ça tombe bien, Lucy nous donne quelques recettes !

Délices, ma vie en cuisine, Lucy Knisley, traduction de Margot Negroni, 2014, Delcourt, 176 pages

Beta… civilisations

Beta civilisationsL’entreprise de Jens Harder est ambitieuse : raconter l’histoire de l’humanité en bande dessinée ! Dans Alpha… directions, paru en 2009, il exposait 40 milliards d’années de vie, du Big Bang à la création de la Terre, jusqu’à l’apparition des premiers hommes (Federico ne l’a pas lu, mais il n’a plus qu’à trouver ce premier opus afin d’en faire son quatre heure !). Cinq ans plus tard, avec Beta… civilisations (première partie), il démarre 80 millions d’années avant notre ère, juste après l’extinction des dinosaures, pour nous raconter l’histoire de l’être humain… rien que ça !

L’auteur s’attèle donc à l’évolution des mammifères, des premiers singes puis des hominidés, inextricablement liée à celle des animaux, de la flore et des différents changements climatiques (mouvements des eaux et de la végétation, réchauffements, glaciations). Il retrace les nombreux flux migratoires et le peuplement progressif de la planète, avant d’embrayer sur 30 000 ans d’histoire des civilisations humaines, jusqu’à notre ère, marquée par l’an 0. Ouf !

Beta… civilisations est une encyclopédie imagière pléthorique et passionnante reflétant la vision personnelle de l’auteur. Elle est construite de rapprochements visuels inattendus qui forment un kaléidoscope d’images, comme des échos à travers l’histoire : tableaux, photos, événements, célébrités, films, bandes dessinées, d’hier et d’aujourd’hui, sont mis en parallèle avec l’évolution humaine. Federico a véritablement été bluffé par ce travail titanesque, et cette longue et grandiose aventure lui rappelle qu’il n’est qu’un pauvre petit lapin à l’existence éphémère…

Beta… civilisations (volume 1), Jens Harder, traduction de Stéphanie Lux, 2014, Actes Sud, collection l’An 2, 368 pages

09
Juil
14

Marathon critique BD, les recalés de 2013

Mouais, pas terrible ! Ces bandes dessinées n’ont pas réussi à convaincre Federico l’année dernière, contrairement à celles-ci, mais toutefois pas aussi pire que celles-là… Voilà donc des BD pas mauvaises (pour la plupart), mais qui n’ont pas fait vibrer notre ami lapin. Allez hop, et après on passe aux choses sérieuses.

Come Prima

© Delcourt, 2013Voilà donc le Fauve d’or 2014. L’histoire d’un road trip estival à travers la France par deux frères fâchés. Federico a trouvé ça pas mal, mais sans plus. La narration est maîtrisée, rythmée, entre souvenirs douloureux et péripéties de la route ; le dessin étoffé donne une ambiance particulière, lourde de sens et de chaleur… Bref, une bande dessinée qui tient debout, mais sans surprises ni attachement pour notre ami lapin. C’est peut-être le scénario qui ne l’emballe pas, ou certainement le manque de petite flamme pour faire vibrer le tout, ou alors le déjà vu : ce côté road trip des années 1960 qui déterre le passé et réconcilie les gens… Une petite déception vis-à-vis du prix du meilleur album donc, mais sans vraie rancœur néanmoins.

Come Prima, Alfred, 2013, Delcourt, collection Mirages, 224 pages

Ma révérence

© Delcourt, 2013C’est exactement la même chose qu’a ressenti Federico à la lecture de Ma révérence : une bande dessinée polar au scénario efficace et au dessin enlevé, mais un peu trop années 1980 cette fois-ci, autant par les personnages que par le sujet et l’ambiance (on sent l’influence de Baru à plein nez), même si l’action se déroule de nos jours.

Rapido : c’est l’histoire d’un jeune gars paumé et je-m’en-foutiste qui veut braquer un fourgon blindé afin de partir se la couler douce au soleil. Il s’associe avec un roublard du style Johnny Hallyday (vieux rockeur santiags aux pieds et alcool dans le nez…), et les deux comparses vont en effet changer de vie, mais pas vraiment comme ils s’y attendaient. Pour faire le lien avec Come Prima, on n’échappe pas au road trip, semble-t-il une clé scénaristique incontournable des histoires de mecs 60’s-80’s like. Voilà donc une bande dessinée bien ficelée, mais notre ami lapin en a vu plusieurs, de ficelles… ce qu’il aurait aimé voir, c’est un peu d’originalité pour casser le genre.

Ma révérence, Wilfrid Lupano et Rodguen, 2013, 128 pages

Les jardins du Congo

C’est vraiment très très rare que Federico ait du mal avec le dessin d’une bande dessinée. Du simpliste au réaliste, en passant par le style underground américain torturé ou le cartoon, notre ami lapin est rarement gêné par le dessin. Et ben là, si. Federico est désolé pour l’auteur auquel il présente ses excuses en avance, mais il trouve que c’est mal dessiné, en particulier les personnages. Si ce n’était que ça… mais en plus l’histoire n’est pas terrible. C’est ballot, parce que c’est une histoire vraie !

© La boîte à bulles, 2013Les jardins du Congo raconte l’histoire à la première personne d’un homme assez antipathique, Yvon (le grand-père de l’auteur, d’où la gêne de notre ami lapin). Encore adolescent, Yvon se cache dans les bois de la campagne wallonne pour échapper aux camps de travail nazis, ce qui lui vaudra le rejet de son père qui le taxe de lâcheté (bravo le modèle paternel). La guerre terminée, il décide de tenter sa chance dans les colonies belges, au Congo. Le voilà qui devient donc un bon petit colon, sans beaucoup de jugeote et pas mal de racisme, qui retourne dans son pays natal pour y chercher femme, exploite ses travailleurs, déforeste la jungle, tue des bêtes sauvages pour sa collection, avant d’échapper de justesse aux représailles lors de l’indépendance du Congo. Le reste de sa vie est alors tristounette au possible, pleine de rancœur et de nostalgie, mais quand même occupée par la gestion tyrannique d’une petite usine campagnarde…

Pour sa défense, on peut relever qu’Yvon n’est pas un heureux tortionnaire car il est sans cesse hanté par ses démons issus de ses années passées dans les bois ; mais, il ne fait à vrai dire pas grand chose pour se racheter… On peut aussi se dire qu’Yvon est prisonnier de son époque et de sa génération, mais tout de même, l’esprit colonisateur des années 1950 n’est pas le même que dans les années 1920… Beaucoup de « mais », donc.

Federico est vraiment mal à l’aise face à cette bande dessinée mal fichue qu’il perçoit assez négativement. Est-ce vraiment l’idée et les sentiments que l’auteur voulait faire passer ? Si oui, pourquoi avoir fait cette BD qui rend si peu hommage à son héros ? Cela reste un mystère.

Les jardins du Congo, Nicolas Spitz, 2013, La boîte à bulles, 144 pages

Cessons donc avec ces déconvenues, demain Federico vous parle de bandes dessinées plus chouettes !

02
Juil
14

Marathon critique BD, back in 2013

Allez hop, finis la glandouille ! Parce qu’il sait qu’il ne peut pas revenir dans la place avec des petites critiques en loucedé, Federico vous offre ce marathon critique BD. Ne le remerciez pas, il est périmé depuis un an… Et oui, que des bandes dessinées datées de 2013 !

Les 24 heures (Notes, tome 8)

© Delcourt, 2013Alors que les derniers tomes de Notes perdaient peu à peu l’intérêt de notre ami lapin, celui-ci, Les 24 heures, est plutôt pas mal. C’est principalement parce qu’on y retrouve les chouettes histoires de Boulet imaginées et créées pendant les 24 heures de la BD. En plus des récits originaux, Federico salue aussi les planches de transition qui apportent ici une vraie valeur ajoutée par rapport aux tomes précédents, tout simplement parce que Boulet nous parle de son métier d’auteur de bande dessinée : d’où vient l’inspiration, comment être imaginatif, quelles sont nos références, les avantages des contraintes, les problèmes du scénariste et ceux du dessinateur, etc., le tout avec en arrière-plan (on y échappe pas) les ingrédients du « personnage Boulet » : thématiques de l’enfance, du fantastique et de la nature, humour, onirisme, geekitude et parisianisme. Et non, la couverture n’est pas phosphorescente, un manque qui aurait dû conduire à un échec éditorial et commercial. Comprend pas.

Les 24 heures, Notes : tome 8, Boulet, Delcourt, 2013, 208 pages

Angela et Clara

© Gallimard, Bayou, 2013Federico ne s’y attendait pas, mais cette bande dessinée est vraiment très sympa ! C’est à cause de la couverture, aux couleurs un peu délavées et au dessin enfantin, que notre ami bédéphile avait des doutes. Mais une fois ouverte, c’est la surprise ! Le style graphique n’est autre que celui de la ligne claire (Hergé, si tu nous entends), un peu vieille école au premier abord mais finalement bien maîtrisé, vivant et donc efficace. Ajoutez à cela un humour doux et décalé, une grande sociabilité, beaucoup de bonne humeur, et vous obtenez les aventures de ce duo attachant : Angela et Clara. Dégourdies et baroudeuses, ces deux pré-ados espagnoles traînent dans le quartier les mains dans les poches pendant les longues journées ensoleillées, repoussant l’heure des devoirs pour zoner avec leurs potes ou en binôme. L’apparente simplicité est étoffée par des personnages secondaires bien approfondis, mais aussi par les thématiques abordées : les rots et les pets, la masturbation, la sexualité des parents et les prostituées, sans jamais en faire des tonnes et sans vulgarité, conservant une fraicheur bienvenue et des émotions tout aussi fortes. Vraiment sympa, vous dit Federico ! La suite va-t-elle être traduite ?

Angela et Clara, Calo, Gallimard, « Collection Bayou », 2013, 96 pages

Le boxeur

© Casterman, 2013Après Angela et Clara mais dans un tout autre registre, Le boxeur a également été une surprise pour Federico qui ne s’attendait pas à être accroché par cette bande dessinée pas gaie du tout. Il s’agit de l’histoire vraie de Hertzko Haft, un jeune polonais qui, pour survivre dans les camps de la mort, est contraint de mener des combats de boxe contre d’autres prisonniers afin de divertir les officiers nazis. Après la libération des camps, il remporte le championnat de Munich avant d’émigrer aux États-Unis dans l’espoir d’y retrouver son amour de jeunesse. Le dessin énervé à l’encre noire fait écho à ce jeune homme impétueux et rageur qui a dû se battre pour sa survie tout au long de son adolescence. Le ton et le sujet du Boxeur (le récit du père retranscrit en bande dessinée par le fils) font immanquablement pensé à Maus d’Art Spiegelmann, et au plus récent Deuxième génération de Michel Kichka, que vous devriez déjà avoir lus, chenapans !

Le boxeur, Reinhard Kleist, Casterman, collection « Écritures », 2013, 208 pages

Marx

© Dargaud, 2013« La vie de Marx, racontée par Marx », c’est le principe de la bande dessinée. « Intéressant mais rapide », voilà ce qu’en a pensé Federico… Certes, le ton direct et le dessin souple, coloré et animé, nous rendent ce petit personnage familier et attachant, tout en relevant les incongruités de son mode de vie par rapport à l’idéal de son discours : bien qu’il connut en effet des périodes de grande pauvreté, Marx put bénéficier de plusieurs héritages (!) grâce à son ascendance bourgeoise juive, et à celle, catholique, de son épouse. Mais si la bande dessinée fait l’autoportrait complet de Marx et de sa vie, on regrette qu’elle approfondisse si peu la philosophie du père du communisme : l’aperçu donné sur l’athéisme, l’anarchie, l’anticapitalisme, est assez bref et ne nous donne pas de véritables clés pour comprendre l’évolution de ses idées. La bande dessinée reste néanmoins une lecture divertissante et instructive pour approcher le personnage de Marx, mais pas indispensable pour ceux qui veulent faire la révolution…

Marx, Corinne Maier et Anne Simon, Dargaud, 2013, 62 pages

10
Fév
14

Marathon critique à la bourre

Federico a eu une fin d’année 2013 très riche en belles découvertes littéraires. Malheureusement, notre ami lapin a un peu trainé de la patte pour les chroniquer. Il est aujourd’hui bien décidé à réparer cette erreur, mais ces lectures datant un peu, il opte pour cette formule que vous connaissez bien : le marathon critique !

Après la salve de zéros carottes pour des bandes dessinées toutes nulles, voici une botte de trois, voire quatre carottes pour des romans, tous genres confondus, qui valent le détour !

Les chroniques de Wildwood

©Michel LafonPrue vit à Portland avec ses parents et son petit frère Mac. Tout va très bien jusqu’au jour où Mac est inexplicablement enlevé par un groupe de corneilles ! Ces dernières l’emmènent vers le territoire interdit, une partie de la ville recouverte d’une forêt où nul n’ose s’aventurer, de crainte de ne jamais en revenir. Se sentant terriblement coupable de cet enlèvement, Prue cache la vérité à ses parents et décide de braver le danger : elle part à la recherche de son frère, accompagnée par un camarade d’école, Curtis.

Ce roman est très rafraichissant, surtout pour un lapin qui a un peu perdu l’habitude de lire des romans jeunesse. L’imagination débordante de Colin Meloy a donné naissance à un univers plein d’aventures et de créatures étonnantes. L’auteur sait suivre les codes du roman d’apprentissage tout en s’éloignant des schémas vus et revus. Son histoire regorge de bonnes surprises. Les deux héros sont très crédibles, absolument normaux face aux dangers et aux responsabilités qu’ils doivent affronter. Les illustrations naïves de Carson Ellis complètent très bien le récit et renforcent le côté « bel objet » du livre. Federico a trouvé certains passages un peu simplistes, mais l’histoire est prenante et il a passé un excellent moment. Notre ami lapin lira très probablement la suite un jour (il disait la même chose avec Sublutetia, qui en compte déjà deux et qui n’ont toujours pas rejoint ses étagères !)

La terre fredonne en si bémol

Voici un très joli roman qui a entraîné Federico sur les terres galloises dans les années 1950. L’héroïn©10-18e, Gwenni, est une fille de 12 ans qui parvient à concilier une imagination débordante et une famille tristement terre à terre. Quand un homme disparaît, tout le petit village est en émoi et chacun y va de son commérage. Malgré les barrières qui se dressent devant elle – parmi elles, la folie grandissante de sa mère – Gwenni décide de mener l’enquête à sa façon, ce qui va l’amener à sonder les secrets de chacun.

Aussi rafraichissant qu’une promenade dans les vertes contrées galloises, ce roman est un petit bijou de simplicité narrative et de fantaisie, tout en étant emprunt d’une certaine complexité cachée dans les non-dits. Cette complexité est celle du monde des adultes et tout au long de sa lecture Federico espérait qu’elle n’affecte pas l’univers de Gwenni. Conte, roman d’apprentissage, chronique familiale, ce roman est un peu tout cela à la fois. Il est surtout un petit trésor de littérature qui est passé assez inaperçu. Courrez chez votre libraire pour réparer cette erreur !

Un intérêt particulier pour les morts

Ce roman vaut surtout pour son contexte – Londres en pleine ère victorienne –  et son héroïne – une jeune femme dont le manque de ressources financières est compensé par une grande vivacité d’esprit. Elizabeth Martin débarque à Londres pour y prendre la place de demoi©10-18selle de compagnie d’une veuve. Celle qu’elle remplace s’est honteusement enfuie avec un homme (gourgandine !), mais elle n’est pas allée bien loin puisqu’on retrouve bientôt son cadavre sur le chantier de la future gare de Saint Pancras. Sentant bien qu’elle vient d’arriver en terrain miné, Elizabeth décide d’anticiper sur de futurs ennuis en menant sa propre enquête. Inutile de préciser qu’elle va s’en attirer plein de nouveaux, des ennuis. Heureusement, Benjamin Ross, le sympathique commissaire de Scotland Yard chargé de l’enquête officielle garde un œil sur elle. Le lecteur suit parallèlement les investigations d’Elizabeth et Benjamin, narrées de leur point de vue, ce qui est une bonne façon de tenir en haleine car on a toujours une petite longueur d’avance sur les personnages.

L’enquête, menée avec les moyens de l’époque et dans le strict respect des convenances (ce qui limite pas mal la marge de manœuvre), se tient très bien, jusqu’à la résolution finale qui flirte un peu avec la facilité. Mais les personnages sont tellement charmant qu’au final, Federico n’en a pas tenu rigueur à l’auteur. La bourgeoisie hypocrite et coincée en prend pour son grade, plus préoccupée à sauver les apparences que par la résolution du crime. Heureusement, quelques personnages plus nuancés empêchent le récit de tomber dans la caricature. Notre ami lapin a pris beaucoup de plaisir à cette lecture. Un intérêt particulier pour les morts est un roman qu’on a pas envie de lâcher, moins grâce à l’intrigue policière qu’aux intrigues romantiques qui brouillent les pistes en filigrane et apportent un peu de piment à l’histoire.

La dernière fugitive

Federico a décidément un truc avec les héroïnes parties de rien qui bravent les dangers d’une nature sauvage et des hommes à peine moins sauvages. Après La veuve et Sous la terre, voici La dernière fugitive. Le dernier roman de Tracy Chevalier est le premier que notre ami lapin réussit à finir. Jamais vraiment attiré par La jeune fille à la perle il s’était cassé les incisives sur ©Quai VoltaireProdigieuses créatures.

Honor Bright, jeune quakeresse, quitte sa confortable Angleterre et le cocon familial pour suivre sa sœur vers l’Ohio pas complètement civilisé de cette moitié de XIXe siècle. Frappée de plein fouet par un drame à peine arrivée aux États-Unis, elle va apprendre à s’affirmer à contre courant du carcan de sa communauté, tout en respectant les valeurs égalitaristes de cette dernière. Ainsi, dans le pays de la liberté, elle va se mettre en danger pour venir en aide à des esclaves en fuite. Perpétuellement tiraillée entre ses convictions, ses émotions et sa peur d’une loi injuste, Honor (à ne pas confondre avec Hodor, du Trône de fer) va malgré tout prendre son existence en main, ce qui, pour une femme de cette époque était en soi un sacré défi. Cette quête est décrite de telle façon, en s’attachant aux détails et aux impressions de l’héroïne que Federico a été emporté dans son sillage. Honor est de ces personnages qu’il est passionnant de voir évoluer dans l’adversité. L’écriture de Tracy Chevalier est belle, et les ellipses sont très bien amenées grâce aux lettres échangées par les personnages. Un excellent roman dont on sort grandi… et avec une furieuse envie de faire du patchwork (le sport national quaker).

Sous la glace

Federico a adoré ce policier qui s’éloigne radicalement de la tendance actuelle des polars glauques et tourmentés. Sous la glace ne se consacre pas à disséquer les noirceurs de l’âme humaine mais plutôt à en extraire toute la lumière. Cette histoire – deuxième volet des enquêt©Actes Sudes d’Armand Gamache après Nature morte – nous emmène dans le village typiquement Québécois de Three Pines pour tenter d’élucider le mystérieux assassinat d’une femme mégalomaniaque détestée de tous. L’ambiance de Noël est extrêmement agréable : Federico avait envie de se blottir dans un plaid bien chaud et de ne jamais cesser sa lecture ! L’enquêteur est un homme charismatique, intuitif et très humain qui s’attache aux détails qui font des gens ce qu’ils sont.

L’enquête au cœur du roman ne nous plonge pas dans un insoutenable suspens mais donne lieu à une trame plus classique, proche du whodunit, axée sur l’observation attentive des personnages et des interrogatoires plein d’empathie, plutôt que sur la crainte liée à la présence du criminel dans les parages. Louise Penny relie ses romans entre eux grâce à une menace qu’elle fait planer sur Armand Gamache depuis Nature Morte et qui, à la fin de Sous la glace semble encore plus présente. Le mystère qui entoure les collègues de l’enquêteur semble encore plus opaque. Pour Federico, qui n’a pas lu le premier opus, l’absence de certains éléments a quelque peu manqué à la compréhension totale de la situation, mais Louise Penny a su construire son roman de façon à ce que le lecteur qui prend la série en cours de route ne soit pas du tout perdu. Ce côté flou renforce au contraire l’aura très particulière qui se dégage d’un livre dans lequel il est beaucoup question de poésie, d’art, de mysticisme et de degrés en dessous de zéro. Intrigant et unique !

Récap’ :

Collin Meloy, Carson Ellis, trad. Jean-Noël Chatain, Les chroniques de Wildwood, Michel Lafon, novembre 2012, 520 p.

Mari Strachan, trad. Aline Azoulay-Pacvon, La terre fredonne en si bémol, 10/18, décembre 2013, 357 p.

Ann Granger, trad. Delphine Rivet, Un intérêt particulier pour les morts, 10/18, juin 2013, 379 p.

Tracy Chevalier, trad. Anouk Neuhoff, La dernière fugitive, Quai Voltaire, octobre 2013, 373 p.

Louise Penny, trad. Michel Saint-Germain, Sous la glace, Actes Sud, septembre 2013, 455 p. [Collection Babel Noir]

23
Jan
14

Marathon critique BD, spécial 0 carotte !

Il est d’usage de parler des lectures qui passionnent, questionnent ou enragent. Que l’on décerne 1 ou 4 carottes, tous les livres méritent leur critique (ou pas, si on a la flemme). Comme beaucoup de lecteurs, Federico en lit parfois des vertes et des pas mûres qui ne méritent même pas une critique 0 carotte, des « choses » qui font honte au papier recyclé sur lequel elles sont imprimées. Voici donc un marathon critique de BD qui, selon Federico, n’auraient pas dû être éditées…

noté 0 sur 4 Partout

Panda aime

© Delcourt, 2013Voilà un livre qui ne sert à rien, mais à rien du tout. Panda aime est l’adaptation d’un blog BD où sont relatés les activités et passions d’un panda : Panda aime arroser les réverbères, Panda aime le café, Panda aime le froid, se mettre en colère, se dissoudre… avec l’illustration qui accompagne le texte. Autant notre ami lapin se refuse d’avoir un avis tranché sur cette initiative bloguesque (lui-même est un lapin victime des trucs aussi intéressants que débiles du ouèbe), autant il ne cautionne absolument pas la publication papier du blog. Aucun intérêt, voilà tout. Federico pourrait se lancer dans un discours hargneux sur la nouvelle mode consistant à publier les blogs BD à la va-comme-je-te-pousse, histoire d’être sur le marché blogosphère et d’essayer de rafler les lecteurs du blog sans vraiment se questionner sur la pertinence d’une publication papier et d’une diffusion en librairie de ce genre de truc conçu à la base pour et par Internet. Dans la même veine, notre lapin agacé a lu l’adaptation papier de Le petit monde de Liz (blog mignon qu’il suit lui-même mais qui n’a pas grand intérêt une fois imprimé) et La petite mort, qu’il n’a pas trouvé aussi drôle que cela promettait.

starfuckeuseStarfuckeuse

Encore une BD qui non seulement ne sert à rien, mais qui est en plus très moche. Moche dans le dessin et les couleurs, mais aussi moche dans le texte et l’humour. Un humour qui n’est donc franchement pas drôle, ressemblant davantage à une private joke de l’auteure et ses copines. Federico a eu honte pour elle, mais aussi honte de lire ces pages totalement vide de sens et surtout de finesse. Il l’avoue, il a esquissé un sourire deux fois, mais ça ne suffit pas ! Ah mais il faut peut-être vous raconter de quoi ça cause. *soupir* Alors, c’est l’auteure qui nous raconte les fois où elle a couché (ou pas) avec des stars : Léonardo, Brad, Johnny, Richard, Angelina, Britney, etc. Deux questions demeurent : « Pourquoi ? » et « Mais qui va acheter ça ? »

Les Aventuriers de la mer, tome 1 : Vivacia

© Soleil, 2013Lorsqu’il était un lapereau boutonneux, Federico a englouti les romans fantasy de Robin Hobb : les cycles de L’Assassin royal et des Aventuriers de la mer. C’était génial ! L’adaptation en bande dessinée de L’Assassin royal ne l’avait pas vraiment convaincu, et il s’était arrêté au deuxième tome. Lorsqu’il a vu la couverture des Aventuriers de la mer, Federico s’est dit « noooonnn ! » Cette adaptation est la preuve intangible qu’il n’est pas donné à toute œuvre littéraire d’être adaptée sous une autre forme, que ce soit un roman adapté en BD, ou un livre adapté en film. Ici, la saga de Robin Hobb est buldozerée par la grosse machine Fantasy-Soleil : dessin approximatif et stéréotypé du genre, personnages vidés de toute profondeur et hissés au rang de tropes, subtilités du scénario lessivées à grands renforts de violons… Bref, c’est beurk.

Maintenant vous savez ce que vous n’avez pas besoin de lire, Federico a perdu quelques minutes de son temps précieux rien que pour vos beaux yeux… Merci qui ?

Panda aime, Keison, Delcourt, 2013

Starfuckeuse, Hélène Bruller, Delcourt, 2014

Les Aventuriers de la mer, tome 1 : Vivacia, Audrey Alwett (scénario) et Dimat (dessin), Soleil Productions, 2013

21
Sep
13

Jane Austen – Jour 7 : Mansfield Park

©PenguinBooks

Mansfield Park (1814)

C’est l’histoire de Christine Boutin Fanny Price dont les parents sont tellement pauvres, qu’elle est envoyée chez son riche et influent oncle, dans le domaine de Mansfield Park. Face à l’indifférence, voir au mépris de cette nouvelle famille, l’affection et le soutien de son cousin Edmund lui sont un précieux soutien. Au fil des ans, la gratitude laisse place à l’amour dans le cœur de Fanny.

De tous les romans de Jane Austen, Mansfield Park est clairement celui qui a le moins séduit Federico. Bizarrement, notre ami lapin a bloqué sur les considérations morales défendues dans l’ouvrage. En effet, les héros, Fanny et Edmund, sont de fervents partisans de la bienséance, de la retenue et du respect des valeurs morales religieuses. Pour ne pas y aller par quatre chemins, Federico les a trouvé extrêmement… coincés. Il en est même venu à éprouver de la sympathie pour Mary Crawford, la « dépravée » du récit, qui a le seul tort de parler ouvertement (bon, et elle est aussi sacrément intéressée par le paraître et l’argent). Notre ami lapin a été surpris par sa réaction, lui qui n’a jamais été rebuté par les mœurs d’autres époques (la forte présence de Dieu dans Jane Eyre ne l’a pas empêcher d’adorer ce roman). La voix de l’auteur ne lui a pas semblée aussi présente que dans les autres livres, pas plus que le subtil jeu de l’ironie. C’est très probablement cela qui a déstabilisé notre ami lapin. Reste néanmoins le plaisir de la lecture, et la grande finesse de la description des sentiments et des relations.

Ainsi se clôt ce marathon critique. C’est avec un immense plaisir que Federico vous a fait partager son petit jardin anglais ! Ne soyez pas triste, votre serviteur viendra bientôt vous parler de Sanditon, le roman inachevé de Jane Austen, qui attend bien sagement d’être lu.




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