Il est des voyages qui resteront certainement du domaine du rêve. Par exemple, Federico n’ira certainement jamais en Patagonie. Parce que c’est loin et qu’il n’a pas le sens de l’orientation. C’est moche.
Repassons dès à présent en mode optimiste : Federico n’ira peut-être jamais faire des bonds auprès des gauchos de Patagonie mais qu’à cela ne tienne, son esprit vagabond y va régulièrement. Et quelle est la meilleure façon d’aller se balader sans risquer de se perdre ou de tomber dans une embuscade ?
Les liiiivres !!!! (répondez-vous, hystérique)
Oui mais pas que. Le cinéma et Internet sont aussi d’excellents voyagistes. C’est d’ailleurs dans une salle obscure que Federico a fait la connaissance avec cet étonnant morceau de continent. Il ne vous en parlera pas ici car malheureusement il ne se rappelle d’aucune information sur ce documentaire consacré aux hommes et aux femmes qui vivent dans le Grand Sud. Il ne lui reste qu’un formidable sentiment de liberté et un immense respect pour ses personnes humbles et attachées à leur terre.
Du coup, notre ami lapin va vous parler de… livres. (évanouissements dans la foule en liesse)
Le premier voyage
En Patagonie, publié en 1977 fait de Bruce Chatwin un des piliers de la littérature de voyage du XXe siècle. Parti de Buenos Aires, l’auteur nous entraîne jusqu’à Ushuaïa, THE bout du monde, et ça, ça fait rêver notre ami lapin. Mais quand on n’a pas de boussole, il s’avère difficile de suivre le parcours de Chatwin dans ce territoire méconnu. Heureusement, au XXIe siècle, n’importe quel rongeur connecté peut, en quelques clics, réaliser un petit itinéraire, comme ceci :
(Note du lapin : pour connaître les différentes étapes, cliquer sur les petits machins bleus.)
Évidemment, il ne s’agit pas de l’itinéraire exact emprunté par les augustes souliers de Bruce Chatwin. C’est plutôt un bricolage effectué à partir des indications données dans l’ouvrage. Pour notre ami lapin, cela aura eu le mérite de l’aider à prendre la mesure de cet étonnant voyage.
En Patagonie ne se contente pas de nous décrire un chemin et ne reste jamais centré sur son auteur-voyageur. C’est un roman résolument tourné vers les gens, ce qui le rend passionnant. Lire ce livre, c’est rencontrer les habitants de la Patagonie et écouter leurs histoires. Bruce Chatwin nous parle aussi bien de ceux qu’il a croisé en chemin que de ceux qui ont vécu sur cette terre il y a plus ou moins longtemps. C’est alors que le voyageur devient conteur, déployant sous nos yeux des histoires plus ou moins légendaires. Federico a tout particulièrement apprécié la partie consacrée à Butch Cassidy, le bandit flamboyant, qui a libéré un vrai souffle d’aventure dans son terrier.
Le retour
Il y a quelques mois, ce même air un peu rude mais terriblement agréable a de nouveau soufflé sur le museau de Federico. Pour ce deuxième voyage, notre ami lapin a embarqué avec Luis Sépulveda et Daniel Mordzinski. Leur virée en Patagonie a eu lieu dans les années 1990. Ces deux amis, l’un écrivain et l’autre photographe, sont partis vers le Cap Horn et ont avancé au gré de leurs rencontres. Le roman né de cette joyeuse aventure a su se faire attendre. Publié en France en avril 2012, cet ouvrage tient moins du récit de voyage que de l’hommage rendu à une terre souillée au nom de l’argent et à ceux qui la défendent. On sent la révolte et l’impuissance des deux explorateurs face à la situation (désespérée?) de ce Grand Sud majestueux. À partir des émouvantes photos de Daniel Mordzinski, Luis Sépulveda nous fait partager ses souvenirs avec une délicieuse malice : à sa façon de parler de tous ceux qu’il a rencontré, Federico avait l’impression d’avoir fait partie du voyage. C’est une véritable déclaration d’amour que signe l’auteur du Vieux qui lisait des romans d’amour, vive comme l’air patagon. Dernières nouvelles du sud est un beau livre, d’une grande simplicité, évident comme l’amitié.
À présent, il ne vous reste plus qu’à ranger vos valises, à vous précipiter chez votre libraire et à vous vautrer dans votre canapé (parce qu’en ce moment il pleut et que s’allonger dans l’herbe mouillée, ça mouille) avec une botte de carottes.
Bon voyage, et n’oubliez pas d’envoyer une petite carte postale !
Bruce Chatwin, En patagonie, Grasset, Paris, 2002 (édition d’origine parue en 1977), 290 p. (Collection « Cahiers rouges »)
Luis Sepulveda, photographies de Daniel Mordzinski, Dernières nouvelles du Sud, Métailié, Paris, 2012, 160 p., traduit de l’espagnol (Chili) par Bertille Hausberg.