Posts Tagged ‘jane austen

12
Mai
14

Une saison à Longbourn

Un roman de Jo Baker, traduit par Sophie Hanna

noté 3 sur 4

Si vous êtes un fidèle lecteur de ce blog, vous n’êtes pas sans ignorer la passion de Federico pour l’univers de Jane Austen. Si vous ne le saviez pas, faite pénitence quelques instants et revenez lire cet article pour vous rattraper.

Au risque de répéter ce qu’il disait ici, notre ami lapin se doit d’aborder la profusion d’œuvres inspirées des personnages de l’auteure britannique, en particulier ces dernières années. Le filon Orgueil et préjugés est bien sûr le plus prolifique. Grâce à cette littérature bien souvent du niveau des Harlequins, nous savons enfin ce à quoi pense Mr Darcy le matin en se rasant. Federico s’est tenu loin de ces livres parce qu’il n’avait pas forcément envie d’en savoir plus que ce que Jane Austen avait bien voulu nous livrer.

Pourtant, notre ami lapin s’est dépouillé de ses préjugés (héhéhé) quand l’auteure Jo Baker l’a invité à entrer dans la maison de la famille Bennett par la petite porte. Ou plutôt, devrait-on dire, par la porte de service. Car c’est aux domestiques de Longbourn que l’auteure consacre son roman, tandis qu’ils étaient réduits à quantité négligeable dans les livres de Jane Austen. En effet, il n’y a que dans la série Downton Abbey (sur laquelle vous devriez vous précipiter si ce n’est pas encore fait) que les maîtres se montrent attentionnés avec leurs domestiques. Dans la grande majorité des maisons, ces derniers faisaient partie du décor et on leur adressait la parole pour leur donner des consignes ou pour s’épancher quand personne d’autre dans la famille ne voulait vous écouter. Il n’a certainement jamais effleuré Jane Austen que les domestiques pouvaient être des héros comme les autres. Ils ne faisaient pas parti de son univers un point c’est tout.

Nous faisons donc connaissance de Sarah, Polly, Mr et Mrs Hill, les dévoués domestiques de la maison de Longbourn. Pour ces deux derniers, ce dévouement s’est traduit par une vie de dur labeur à peine remerciée et le sacrifice de bien des rêves. Sarah est jeune, têtue et accepte difficilement la vie qui l’attend au service des autres. Elle veut pouvoir aller où bon lui semble, aimer qui elle veut et ne pas avoir à subir les humeurs de ses maîtres. Bref, avoir sa vie à elle et non pas vivre par procuration celle des autres. L’arrivée d’un nouveau domestique dans la maisonnée et la réouverture de Netherfield à l’arrivée de Mr Bingley et sa clique vont lui donner l’occasion de donner un nouveau tournant à sa vie. En voyant Sarah évoluer et s’affirmer, Federico n’a pas pu s’empêcher de penser à Margaret Hale ou à Jane Eyre, ses héroïnes adorées. Même si elle est au centre du roman, les autres domestiques ne sont pas en reste et portent avec eux un joli lot de secrets et de projets, que l’auteure révèle toujours au moment le plus opportun.©Stock

En plus de nous faire découvrir les coulisses de Longbourn, Jo Baker vient en gratter le vernis à la ponceuse. Son roman commence avec une scène très forte, aussi éprouvante pour le lecteur que pour l’héroïne (les engelures en moins). On y assiste à la corvée de lessive hebdomadaire. Levée avant tout le monde, Sarah, doit aller plonger ses mains abîmées par le labeur dans l’eau glaciale qu’elle va mettre à bouillir pour nettoyer les vêtements de ses maîtres. D’entrée de jeu, les belles et spirituelles filles Bennett sont éjectées de leur piédestal : Sarah peste contre les jupons boueux d’Elizabeth avant de soupirer de dégoût face aux protections périodiques des filles. Régulièrement, au cours du livre, Federico, médusé, a assisté à des scènes qui remettent les héroïnes de Jane Austen à leur place dans l’univers. Il est clair que l’intention de l’auteure n’est pas de dénigrer les Bennett et leur entourage, non, elle est bien trop humble dans son écriture pour cela. Mais ses impertinences extrêmement bien placées ont fait réaliser à quel point le quotidien de filles comme Elizabeth et Jane était vain : être jolies, lire, envoyer des piques à Mr Darcy et marcher sur la lande. Tout cela est tellement simple quand on n’a pas à se soucier de faire la lessive, d’épousseter les étagères pleines de livres ou même de préparer le repas. Il est difficile de croire que Mr Darcy aurait été sujet à tant de sentiments impérieux s’il avait vu Elizabeth les mains dans l’eau de vaisselle.

La réaction de notre ami lapin peut sembler excessive mais ce roman a radicalement changé son regard sur l’œuvre de Jane Austen. Il est probable qu’il ne pourra plus lire les romans ou voir les adaptations sans penser au fossé entre les classes qu’on voit et celles qui sont dans l’ombre.

Laissons cet aspect de côté pour revenir sur le plaisir immense qu’a été la lecture d’Une Saison à Longbourn. L’auteure rend un hommage très subtil mais aussi plein de culot à Orgueil et Préjugés. Elle y insère avec une facilité déconcertante l’histoire des domestiques. Les évènements qui rythment la vie des Bennett sont présents en toile de fond mais c’est l’office qui est mis en lumière. La chronique de la vie dans cet univers a passionné notre ami lapin, et, grâce au talent de Jo Baker qui a su donner une véritable indépendance à son récit, pourra parler aux néophytes qui n’ont pas lu le roman de Jane Austen et qui se demandent quand Federico arrêtera d’en parler. Jamais !

Jo Baker, Une Saison à Longbourn, Stock, avril 2014, 393 pages

20
Jan
14

Des Portraits de Jane Austen

Il y a quelques temps, Federico a consacré un marathon critique à Jane Austen, , ici, re-là, re-re-là, re-ici, ici également, là enfin.

À diverses reprises, au cours de ses lectures, notre ami lapin a ressenti une étrange proximité avec l’auteur, comme si elle se tenait à quelques mètres de lui et non pas morte et enterrée depuis deux siècles. Cette sensation est d’autant plus incongrue qu’on ignore presque tout de la femme que Jane Austen a été et à peine plus de l’auteur. Seules quelques lettres ayant survécu à la censure de sa sœur Cassandra et d’autres conservées par ses neveux et nièces nous sont parvenues. À partir de ce peu, auteurs et réalisateurs ont tenté de dresser le portrait de cette femme si mystérieusement actuelle. Parmi toutes les bio-pics/-graphies, Federico en a vues/lues trois et va vous dire ce qu’il en a pensé.

Becoming Jane

©Miramax Films

« Lâchez ma main Miss Austen, vous m’écrasez les doigts ! »

Notre ami lapin n’a jamais vraiment eu envie de commenter ce film, mais l’occasion faisant le larron, il va tout de même aller puiser dans ses souvenirs pour vous en parler. Becoming Jane imagine l’histoire d’amour passionnelle entre la jeune Jane Austen et un certain Tom Lefroy, qui se serait terminée dans une fugue avortée et aurait servi d’inspiration pour le reste de son œuvre. Si on fait abstraction des personnages auquel le script s’attaque, le film est très agréable à regarder, bien écrit, bien interprété et on vibre pendant 2 heures au son de la passion qui étreint les deux protagonistes (oui, une passion qui étreint, ça fait du bruit). Mais voilà, pour Federico, le mot passion ne colle pas avec l’idée qu’il a de l’auteur : une femme mesurée qui se moque à plusieurs reprise dans son œuvre des impulsions amoureuses, leur préférant de loin la stabilité d’un mariage réfléchi. On peut certes penser que cette vision du monde peut lui être venue suite à une grosse casserole sentimentale de ce genre. Pourquoi pas. De toutes façons, Federico n’est pas plus capable qu’un autre de remplir les vides béants dans la biographie de Jane Austen. Le film n’a pas cette prétention non plus. Il cherche juste à apporter une réponse adaptée au public actuel à la question suivante : comment une femme restée célibataire toute sa vie a-t-elle pu dessiner un portrait aussi juste de la vie amoureuse de ses contemporains ? Becoming Jane propose l’expérience de terrain comme hypothèse, Federico préfère y voir la manifestation d’un grand talent d’observation.

Miss Austen regrets

©BBC

Jane Austen à l’air un peu triste mais sa sœur Cassandra n’en a rien à cirer, elle préfère rire avec les feuilles de l’arbre.

Beaucoup moins fougueux que Becoming Jane, ce téléfilm se concentre sur les dernières années de la vie de l’auteur et met l’accent sur sa notoriété d’écrivain et son rôle de tante, qu’elle prenait très au sérieux. Le téléfilm montre une Jane Austen ouvertement anti-conformiste et un brin égoïste. Ici le grand pari du scénario est de suggérer que l’auteur aurait regretté de ne pas s’être mariée. Encore une fois, rien dans les documents qui nous sont parvenus ne permet d’avancer une telle chose, mais on se doute bien que de telles confessions auraient été évidemment détruite par sa sœur Cassandra. Malgré cette réserve, Federico a été très ému par ce portrait de Jane Austen, Olivia Williams est très convaincante quand il s’agit de montrer la sensibilité de son personnage. Comme on s’en doute, la fin requiert un usage assez important de mouchoirs en papier. Notre ami lapin a par ailleurs remarqué que, comme dans Becoming Jane, la mère de l’auteur (qui a fini sa vie de façon très modeste auprès de ses deux filles célibataires) lui en veut beaucoup d’avoir refuser d’épouser un très bon parti qui lui aurait assuré l’aisance financière ainsi qu’à ses proches. On retrouve ici le trait de caractère principal des mères présentes dans les romans de Jane Austen : l’obsession du mariage avantageux. Dans les deux cas, les films oublient que les frères de l’auteur ont plutôt bien réussi et ont toujours veillé à ce que Mrs Austen, Jane et Cassandra ne manquent de rien.

Un portrait de Jane Austen

Allez, on quitte les écrans et on revient au papier. Bienvenue dans le monde tout bisounoursé de David Ce©Payotcil, universitaire anglais spécialiste de l’auteur. Pour caricaturer son propos, Jane Austen était un génie, belle, intelligente, drôle, sa famille était trop géniale, qu’est-ce qu’on se marre et dans la maison il y avait des papillons partout. Ouiiiiii !! (couinement extatique)

Bon, d’accord, Federico exagère un peu. Mais l’impression qu’il a eu en lisant ce livre est que l’admiration débordante de l’auteur pour son sujet… déborde un peu trop. Cet enthousiasme mis à part, le biographe se montre honnête et avoue beaucoup spéculer sur ce qui s’est passé entre les lettres qu’il cite. Ces dernières sont très intéressantes à lire. On y découvre une Jane très différente de la jeune femme passionnée de Becoming Jane : l’auteur ne cherche pas l’histoire d’amour planquée sous le tapis et au contraire nous montre une femme très à l’aise dans son rôle d’observatrice et comblée d’amour par sa famille (attention, lâcher de colombes dans 3, 2, 1…). Ce qui a le plus intéressé Federico dans ce portrait, c’est la présentation du milieu et de l’époque dans laquelle Jane Austen a vécu et dont elle a tiré le matériau de ses livres. Il s’avère que l’auteur était totalement en phase avec son environnement social et cela rend d’autant plus épatante sa capacité à nous parler avec cette voix intemporelle. N’étant pas un amateur de biographies, Federico a trouvé la lecture de ce livre très plaisante, son style le faisant presque passer pour un roman.

Finalement, Jane Austen peut rester tranquille, son aura de mystère n’est pas près de s’envoler. Un voyage en DeLorean s’impose aux plus curieux !

Becoming Jane, réalisé par Julian Jarrold, 2007

Miss Austen Regrets, réalisé par Jeremy Lovering, 2008

Un portrait de Jane Austen, David Cecil, traduit par Virginie Buhl, Payot, octobre 2013, 300 p.

21
Sep
13

Jane Austen – Jour 7 : Mansfield Park

©PenguinBooks

Mansfield Park (1814)

C’est l’histoire de Christine Boutin Fanny Price dont les parents sont tellement pauvres, qu’elle est envoyée chez son riche et influent oncle, dans le domaine de Mansfield Park. Face à l’indifférence, voir au mépris de cette nouvelle famille, l’affection et le soutien de son cousin Edmund lui sont un précieux soutien. Au fil des ans, la gratitude laisse place à l’amour dans le cœur de Fanny.

De tous les romans de Jane Austen, Mansfield Park est clairement celui qui a le moins séduit Federico. Bizarrement, notre ami lapin a bloqué sur les considérations morales défendues dans l’ouvrage. En effet, les héros, Fanny et Edmund, sont de fervents partisans de la bienséance, de la retenue et du respect des valeurs morales religieuses. Pour ne pas y aller par quatre chemins, Federico les a trouvé extrêmement… coincés. Il en est même venu à éprouver de la sympathie pour Mary Crawford, la « dépravée » du récit, qui a le seul tort de parler ouvertement (bon, et elle est aussi sacrément intéressée par le paraître et l’argent). Notre ami lapin a été surpris par sa réaction, lui qui n’a jamais été rebuté par les mœurs d’autres époques (la forte présence de Dieu dans Jane Eyre ne l’a pas empêcher d’adorer ce roman). La voix de l’auteur ne lui a pas semblée aussi présente que dans les autres livres, pas plus que le subtil jeu de l’ironie. C’est très probablement cela qui a déstabilisé notre ami lapin. Reste néanmoins le plaisir de la lecture, et la grande finesse de la description des sentiments et des relations.

Ainsi se clôt ce marathon critique. C’est avec un immense plaisir que Federico vous a fait partager son petit jardin anglais ! Ne soyez pas triste, votre serviteur viendra bientôt vous parler de Sanditon, le roman inachevé de Jane Austen, qui attend bien sagement d’être lu.

20
Sep
13

Jane Austen – Jour 6 : Raison et Sentiments

©PenguinBooks

Raison et Sentiments (1811)

C’est l’histoire des sœurs Dashwood, Elinor l’aînée, qui n’est que tempérance et raison, et Marianne, sa cadette, fougueuse et passionnée. Ces caractères bien affirmés vont bientôt être bousculés par l’amour et ses désillusions. C’est pas facile tous les jours la vie dans la lande anglaise…

Victime de son succès et de ses populaires adaptations, Raison et Sentiments ne laisse pas beaucoup de place à l’imagination quant à sa fin (moulte épousailles en perspective). Federico a mis plus de temps à rentrer dans cette histoire centrée sur les deux sœurs Dashwood. Notre ami lapin a trouvé que l’intrigue s’étalait parfois sur la longueur, surtout en comparaison avec la fin, qu’il a regretté de voir expédiée aussi vite. Raison et Sentiments reste malgré cela un roman absolument délicieux. Les héroïnes sont très attachantes et, bien que différentes, leurs liens sont très crédibles et émouvants. Leur entourage est amusant à observer, notamment au vu des excès dont certains font preuve ! Quant aux prétendants qui se disputent le cœur des sœurs Dashwood, ce ne sont pas les plus charismatiques de l’univers de Jane Austen. Dans certains cas, les qualifier de boulets ne semble pas déplacé pour notre ami lapin !

À demain !

19
Sep
13

Jane Austen – Jour 5 : Northanger Abbey

©PenguinBooks

Northanger Abbey (1818)

C’est l’histoire de Catherine Morland, jeune fille naïve et romanesque qui accompagne des amis de sa famille à Bath, ville de fêtes et de rencontres en tous genres. Elle va se faire des amis à fidélité variable, et tomber sous le charme de M. Tilney (Federico non plus n’a pas pu résister !). La famille de ce dernier l’invite dans sa demeure : l’Abbaye de Northanger. Dans cette inquiétante bâtisse, Catherine va trouver le cadre idéal pour revivre les émotions qu’elle vit en lisant les romans gothiques qu’elle affectionne tant.

Avec ce livre, Federico a passé un cap. De lecteur enthousiaste, il est devenu un véritable fan de Jane Austen, un Janeite ! Dans ce roman qui a beaucoup fait rire et sourire notre ami lapin, Jane Austen semble plus que jamais s’amuser à se moquer de ses contemporains. Les intrigues amoureuses passent au second plan. Il s’agit plus d’un récit initiatique dans lequel Catherine Morland, la jeune héroïne, va découvrir la vie en société à Bath et pousser son imagination dans ses plus absurdes retranchements à Northanger Abbey. On palpite au gré de ses joies et contrariétés, on sourit devant sa naïveté. Sa fraîcheur d’esprit et sa droiture la rendent irrésistible aux yeux de Federico. Quand à l’écriture, elle est tellement moderne et l’auteur y instaure une telle complicité avec le lecteur, que Federico s’imaginait qu’elle allait apparaître dans son salon, s’asseoir à côté de lui et lui demander son avis sur le livre. Vous l’aurez compris sans mal, Northanger Abbey est sans conteste le chouchou de notre ami aux longues oreilles.

À demain !

18
Sep
13

Jane Austen – Jour 4 : Persuasion

©PenguinBooks

Persuasion (1818)

C’est l’histoire d’Anne Eliott, qui vit avec son père et sa sœur. Ils sont aussi prétentieux et égoïstes qu’elle est réservée et dévouée. Quelques années auparavant, Anne a été follement éprise d’un soldat, Frederick Wentworth. Cet amour partagé a été rompu par sa famille qui le considérait comme une mésalliance. Quand Wentworth revient de la guerre, riche et auréolé de gloire, Anne réalise l’erreur qu’elle a commise en se laissant influencer par son entourage.

Lire un livre deux jours après en avoir vu une adaptation télé n’est pas une bonne idée. Ce n’est pas Federico qui va le nier, tant sa frustration  a été forte de ne pas apprécier Persuasion à sa juste valeur. Néanmoins, notre ami lapin a encore une fois été frappé par la modernité et la fraîcheur du ton de Jane Austen. Les personnages sont très biens dessinés et l’histoire est absolument romantique.  La critique du culte des apparences est caustique et il a été difficile pour votre chroniqueur d’abandonner sa lecture pour toute autre activité. Le seul regret de Federico est que Persuasion ne soit pas plus long : il aurait aimé s’attarder un peu auprès des héros. Pour compenser, il s’est payé le luxe de le relire, quelques mois plus tard, pour mieux en profiter !

À demain !




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