Archive pour août 2013

25
Août
13

La femme à 1000°

Un roman de Hallgrímur Helgason

noté 4 sur 4

Herbjörg Maria Björnson (que nous appellerons par son surnom, Herra, c’est plus simple) est loin d’être une douce grand-mère. Atteinte d’un cancer en phase terminale, la vieille femme vit dans un garage aménagé. Armée de son ordinateur portable, d’une cartouche de cigarettes et d’une vieille grenade allemande, elle attend la mort de pied ferme. Pour faire passer le temps, elle déroule les fils emmêlés de son existence et en profite pour donner son avis sur tout. Autant vous dire que c’est un sacré merdier. Son arbre généalogique va de la robuste grand-mère islandaise au grand-père premier président du pays, marié avec une danoise, en passant par son père, seul islandais engagé dans l’armée nazie. Herra est un mélange de toutes ces complications et sa vie ne va pas venir simplifier les choses. Elle va grandir dans les fjords, puis traverser l’Europe à feu et à sang, puis continuer à parcourir de le monde. Tout ça pour atterrir dans un garage, seule. On dit de certains personnages qu’ils ont été bousculés par la vie, Herra s’est fait tabasser. Mais ell©Presses de la Citée a survécu, y compris à un cancer qui devait la tuer en quelques mois et qu’elle trimballe depuis plusieurs années. Elle jette sur son parcours, sur le monde d’hier et d’aujourd’hui un regard dur que son humour insubmersible transforme en une ironie salvatrice. Au seuil de la mort, elle garde son indépendance d’esprit et son mordant.

Federico se demande encore ce qui a bien pu se passer dans l’esprit de l’auteur pour pondre un texte pareil. Ce roman est tellement complet et détaillé, que notre ami lapin peine à croire qu’il s’agisse d’une simple fiction. Hallgrímur Helgason donne littéralement naissance à Herra : elle s’incarne sous nos yeux et ce qu’elle a vu et vécu est d’un réalisme à couper le souffle. Le tout est raconté avec une extrême pudeur, notamment dans les moments les plus difficiles, où le texte atteint l’état de grâce entre poésie et humour. Le travail d’orfèvre du traducteur est à saluer. Au gré des souvenirs d’Herra, des sensations qu’elle a conservées, le récit passe de la légèreté à la noirceur avec une aisance déconcertante. Dans une rentrée littéraire qui semble faire la part belle aux sujets durs qui ne vont pas épargner les sentiments des lecteurs, La femme à 1000° a donné une grosse claque à Federico.

Cela fait deux jours qu’il a achevé la lecture de ce pavé et Herra ne l’a toujours pas quitté, accompagnée par l’histoire de l’Islande et de l’Europe, peu empreintes de gloire.

Si on devait relever un défaut à ce livre (et ce serait bien le seul) c’est d’être Islandais. En effet, Federico a perpétuellement été perdu dans tous les noms propres très exotiques qui ponctuent le texte. Notre ami lapin voit maintenant des trémas partout !

Hallgrímur Helgason, La femme à 1000°, Presses de la Cité, août 2013, 633 p.

23
Août
13

Les saisons de Louveplaine

Un roman de Cloé Korman

noté 3 sur 4

Trois ans après le choc généré par Les Hommes-Couleurs dans le petit cœur de Federico, notre ami lapin attendait impatiemment le nouveau livre de Cloé Korman.

Une fois celui-ci entre les pattes, Federico a senti une crainte monter : celle d’être déçue, que le second ne soit pas aussi bon que le premier.

Les saisons de Louveplaine nous raconte la difficile histoire de Nour, qui quitte son Algérie natale et sa petite fille pour rejoindre son mari. Hassan l’attend en effet en banlieue parisienne, à Louveplaine, où il est installé depuis plusieurs mois. Quand elle arrive à l’aéroport, personne n’est là pour accueillir Nour. Dans l’appartement d’Hassan, en haut d’une tour HLM, elle découvre le vide que son mari à laissé derrière lui. Où est Hassan ? Qui est-il réellement ? Voici les questions qui vont accompagner Nour dans sa nouvelle vie. Avec l’aide plus ou moins efficace de Sonny, un ado aussi brillant au lycée que dans ses magouilles, la jeune femme va lentement, un indice après l’autre, remonter la trace de son mari. Exercice difficile car à Louveplaine le silence est d’or.©Seuil

Cloé Korman a passé un an auprès des élèves d’un lycée de Seine-Saint-Denis. De cette expérience elle a tiré un roman qui nous emporte dans une incursion sans détours au cœur de ces banlieues que les campagnards comme Federico ne connaissent qu’à travers le compte de voitures brûlées énoncé à la télé. Comme pour Les Hommes-Couleurs, elle invente lieux et personnages afin de créer un conte qui nous fait découvrir d’autres facettes du monde.

Federico a lu ce roman tiraillé entre deux sentiments : le manque d’envie de lire (ça arrive, même aux meilleurs) et la détermination à s’attaquer à ce roman prometteur. L’histoire ne l’a donc pas trop emporté. Notre ami lapin avait adoré s’évader dans l’univers quasi mythologique des Hommes-Couleurs, du coup, il a moyennement apprécié de se prendre en pleine face la réalité de la banlieue. C’est un sujet qui se prête moins aux superbes envolées poétiques du précédent roman. Face au majestueux désert mexicain et à la tragédie des migrants, le béton de Louveplaine et ses habitants qui se démènent dans la grisaille du quotidien ne font pas le poids. Désolé les gars, c’est pas contre vous.

Reste l’écriture. Et pour le coup, Cloé Korman fait plus que confirmer son immense talent. Tel un caméléon, son style épouse totalement son sujet. C’est magique, vraiment. Federico n’a pas beaucoup progressé depuis 2010 : il est toujours aussi incapable de décrire le prodige qu’est l’écriture de Cloé Korman, quelle formidable conteuse elle est. Notre ami lapin a ressenti cette impression d’y être, de faire partie du roman. Non seulement Cloé Korman raconte des histoires intéressantes (même si Federico n’a pas très envie de les entendre parce que ça manque de licornes) mais en plus elle implique réellement son lecteur.

Cloé Korman, Les saisons de Louveplaine, Seuil, août 2013, 400 p.

09
Août
13

La boîte verte

Depuis le temps que Federico va se perdre sur ce site prodigieux, il devenait plus qu’urgent de vous en parler. Vous avez 5 minutes à perdre ? Cliquez ici. Bravo, vous venez de perdre 2 heures !

Cependant, « Perdre » n’est pas le terme qui convient quand on va passer du temps à sillonner les catégories de La Boîte Verte. Découvrir, s’émerveiller, rire, s’étonner, sont plus adaptés. Alimenté régulièrement par le mystérieux « Maître de la Boîte », ce site répertorie des tas et des tas de curiosités disséminées sur le net. Arts, histoire, sciences, culture geek, on trouve de tout dans cette boîte. On peut la secouer dans tous les sens, il y a toujours un truc passionnant qui sort, le fil d’Ariane vous attrape immédiatement et c’est parti pour de chouettes moments de glande intelligente (enfin, pas toujours…). Grand amateur d’absurde et d’idées génialement inutiles, Federico est toujours comblé par les articles de la Boîte Verte.

Rien de tel que quelques exemples pour vous prouver que consulter tous les jours la Boîte Verte est bon pour le moral. Voici le meilleur du best of des articles préférés de votre chroniqueur.

Les inventions à l’ancienne, dans lequel on découvre que les skis d’intérieur ou la cage à bébé n’ont pas réussi à s’imposer dans notre quotidien. C’est bien dommage.

Les indispensables lunettes pour lire couché !

Toujours dans le vintage, cette très émouvante série de photographies prises par la police australienne dans les années 20.

Federico n’en revient toujours pas de la beauté de ces photos !

On y trouve également des choses qui ne servent à rien mais qui sont absolument indispensables !

Et enfin, des choses tellement belles que, que… ça vous laisse sans voix !

… la conception de minuscules vêtements pour le film Coraline :

… les étonnantes créations de papier de Yulia Brodskaya :

Non mais sérieusement, comment fait-elle ?!

… ces oiseaux réalisés avec des pétales (drôle d’idée mais trèèès convaincante !) :

La peinture, c’est tellement surfait !

Federico espère que ce maigre échantillon vous a convaincu de lâcher Twitter et Facebook un instant et de passer une nuit à parcourir La Boîte Verte.

06
Août
13

La veuve

Un roman de Gil Adamson

noté 2 sur 4

Bon, on ne va pas se mentir, Federico n’a pas été autant emballé qu’il l’aurait voulu par ce roman. Pourtant, ce western au féminin ne manque pas d’action et de grands espaces propices à séduire notre ami lapin. ©

Le roman démarre sur des chapeaux de roues et jette le lecteur sur les pas de Mary Boulton qui fuit ses deux affreux beaux frères. À 19 ans, elle a déjà tout perdu : elle vient de tuer son mari et les deux zozos qui lui courent après sont bien décidés à ne pas lui faire de cadeau. Désespérée, en proie à la folie, Mary n’a nulle part où aller. Alors elle court vers les montagnes, à l’ouest, là où la suivre deviendra plus difficile. Dès ce moment, le rythme du livre ne va pas faiblir. Et pourtant Federico, même s’il a apprécié sa lecture, aurait aimé ressentir plus fortement les sensations qui traversent ce livre puissant. Heureusement, la dernière partie du livre à fait remonter l’estime de notre ami lapin : fracassante – dans tous les sens du terme – elle est à l’image de cette veuve, incroyablement culottée et imprévisible.

Folle, Mary Boulton l’est certainement un peu. Mais on découvre bien vite que c’est ce qui va la sauver au cours de cette incroyable épopée. L’auteur ne cherche pas plus que ça à justifier le crime de la veuve, d’apitoyer le lecteur sur son sort. C’est inutile car, même si objectivement Mary Coulson mérite la pendaison, subjectivement, elle est trop badass. Du coup, on a qu’une envie : la laisser s’enfuir. Chut, on a rien vu. Au cours de ses aventures, elle va rencontrer des personnages dignes des westerns les plus timbrés. De l’ermite génial à l’indien taciturne en passant par le pasteur-boxeur, l’auteur nous régale d’une galerie de héros qui mériteraient eux aussi leur livre.

Qu’a-t-il manqué à la première partie de ce livre pour que Federico l’apprécie totalement ? Difficile à dire. Peut-être un quelque chose dans l’écriture qui nous ferait ressentir plus viscéralement les émotions de cette héroïne complexe ?

Gil Adamson, La veuve, 10-18, mai 2011, 432 p.




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