Un roman de Bernard Quiriny
Imaginez la Belgique dominée par une milice féministe, une société qui a mis les hommes à l’écart et qui vit dans un ridicule culte de la personnalité de sa chef.
Vous n’y arrivez pas ? Cette idée est trop abstraite pour vous ? Pas de souci, Bernard Quiriny se charge de planter le décor et de vous embarquer dans un Bénélux plus proche l’URSS (avec Stalina à la place de Staline) que de sa relative tranquillité actuelle.
L’auteur a l’intelligence de nous placer dans deux situations, qui correspondent à plusieurs points de vue. Ce sont autant de regards sur cette société qui a sombré dans la paranoïa et l’absurdité, repliée sur elle-même mais suscitant néanmoins l’admiration des féministes de toute l’Europe. C’est qu’elles en ont les femmes en Belgique, non contentes de prendre le pouvoir par la force, elles ont fabriqué de toute pièce une société où toutes les femmes sont sœurs et tous les hommes sont… pas grand chose ! Elles ont même changé le genre de certains mots !!
On ne parle pas de lapin dans ce livre, mais Federico a été emballé par le récit de Bernard Quiriny, d’un réalisme sidérant. Tour à tour, on suit les membres chanceux d’une délégation française, les premiers étrangers à franchir les frontières du pays depuis le putsch. Ils sont tous plus ou moins acquis à la cause des Belges, et c’est ça qui est intéressant : chacun réagit différemment à la mascarade de visite qui les balade dans des lieux plus étranges les uns que les autres. Parallèlement à nos touristes, on lit le journal secret (ce mot prend tout son sens quand on comprend les ennuis qu’aurait l’auteur si les autorités le trouvaient) d’une belge qui va, à l’insu de son plein gré, gravir les échelons de la hiérarchie belge et découvrir l’envers du décor, à ses risques et périls.
Si le récit stigmatise cette société matriarcale poussée à l’extrême, c’est sans misogynie aucune. Ce récit poignant, drôle souvent dans les situations décrites, montre juste aux lapins que les humaines, hommes ou femmes, sont capables du pire comme du meilleur quand il s’agit de transformer le monde selon son idéal.
Les Assoiffées, Bernard Quiriny, Le Seuil, août 2010, 396 p.
21 €