Un roman (ado) de Jessica Warman
Les préjugés c’est mal.
Cette incontestable vérité, Federico la connaît bien et c’est pour cette raison qu’il lutte perpétuellement contre ces vilaines idées préconçues qui influencent ses opinions. Malheureusement, les erreurs de jugement touchent même les meilleurs et notre ami lapin va de ce pas vous le démontrer.
Voici les causes du préjugé qui a moisi la dernière lecture de Federico. La couverture du livre, tout d’abord :
Laissons reposer et envoyons la deuxième cause, le résumé de quatrième de couverture (Quoi ?! Tout cela ne serait qu’affaire de marketing ? Peut-être… Federico vous laisse en juger) :
« Quand la perfection et la beauté cachent une monstrueuse vérité…
Elizabeth avait tout pour être heureuse : belle, riche et un petit copain parfait. Pourtant, le matin de ses dix-huit ans, elle se réveille sur le bateau où elle a fait la fête avec ses amis. Et elle voit un corps flotter à la surface de l’eau : le sien…
Pourquoi est-elle encore là, spectatrice de sa propre mort ? Et pourquoi Alex, un garçon de son lycée disparu un an plus tôt, est-il avec elle ? Accident ou meurtre ? Ensemble, ils vont découvrir de terribles secrets trop longtemps enfouis… »
En voyant tout cela, Federico a commencé à regarder ce roman de haut. Un calcul s’est fait dans sa tête. Montage fantastico-romantico-toc + nuages électriques et verts (?!) + titre tout nul qui pue l’amour paranormo-impossible + champ lexical de l’atrocité insoutenable ET secrète + fille superficielle transformée en fantôme + guide mystérieux ET mort (rrrho, on ne devine pas du tout ce qu’il va advenir…) = Gossip Girl chez Black Moon.
Pour résumer, Federico s’attendait à subir une romance impossible chez les macchabées, mitonnée tout exprès pour les adolescentes qui trouvent que les mecs vivants, ça manque de mordant. Quelque chose comme ça en fait.
Alors qu’en réalité, ce n’est pas ça du tout. Mais alors pas du tout. Sauf que Federico a mis les 3/4 du livre à s’en rendre compte. Et ça lui a bien gâché sa lecture. Parce qu’à attendre quelque chose qui n’arrive pas, on passe à côté du récit et on s’ennuie. Avec le recul, cette longueur n’est pas à imputer qu’à l’erreur de jugement de notre ami lapin : Reste avec moi aurait mérité d’être moitié moins long. La première partie traîne beaucoup en longueur et brasse un peu d’air, trop occupée à planter le décor pour la deuxième partie. L’écriture, très ordinaire, ne parvient pas à relever la situation.
Malgré cela, il faut rendre justice à ce roman très sensible, sur un sujet assez douloureux (le résumé en fait un peu trop dans le genre « affreux et terrible », mais quand même, ça rigole passouvent) qui a profité des dernières pages pour émouvoir Federico. L’auteur sonde l’âme des personnages, toute en ambiguïtés, entre zones d’ombre et moments de grâce. Alors que la fourbe couverture nous vend une histoire fantastique et effrayante, Federico y a surtout vu le portrait désabusé de quelques gamins pourris gâtés. Elizabeth est un fantôme assez intéressant qui n’a rien de mieux à faire que de dresser le bilan de son existence doré et de gratter le vernis pour percer le mystère de sa mort. L’auteur joue le jeu du fantôme jusqu’au bout : ses spectres sont incapables de la moindre action ce qui les condamne à observer les vivants et à aller puiser les réponses dans leurs souvenirs. D’où une intrigue qui n’avance pas très vite.
Reste avec moi n’est donc pas un excellent roman mais il vaut bien mieux que ce que Federico en pensait. Notre ami lapin aurait dû écouter la personne qui le lui a mis entre les pattes en lui promettant un ouvrage original et surprenant.
Et pour être surpris, il a été surpris !
Jessica Warman, Reste avec moi, Fleuve Noir, avril 2012, 477 p. (Collection « Territoires »)