Archive for the '3 carottes' Category

20
Nov
14

L’énergie du cru

Un essai de Leslie Kenton, traduit par Karen Vago, lu dans le cadre de Masse critique de Babelio.

noté 3 sur 4

« Découvrez une façon de vivre où vous vous réveillerez le matin avec une impression de fraîcheur, de joie, de bonnes dispositions envers vous-même et la vie. » C’est beau, c’est Leslie qui l’a dit.

Vous voulez être en bonne santé, jeune et heureux (et beau et riche) ? Ne cherchez plus, mangez cru ! Et ouais, c’est la thèse de ce bouquin, il y a peut-être de quoi se moquer, mais après cette lecture, Federico a le sentiment d’en savoir un peu plus sur sa bouffe, et il n’en est pas fâché.

Car la bouffe, c’est important. Ce qu’on met dans sa bouche est loin d’être anodin : d’où ça vient, comment ça goûte, qu’est-ce ça va faire dans son petit corps, etc. C’est d’ailleurs notamment pour cela que Federico s’était intéressé au livre de Marie-Monique Robin, Les moissons du futur, et c’est encore aujourd’hui pour cela qu’il a mis son museau dans L’énergie du cru.

Et oui, le crudivorisme, quel mot ravissant. Mais qu’est-ce qui se cache réellement derrière ce choix alimentaire fort décrié, dont les adeptes sont taxés d’extrémisme et de frustration maladive, fustigés au rang de hippies asociaux et fantaisistes ? Notre ami lapin était curieux de savoir de quoi il en retournait exactement.

Comme pour Marie-Monique, il ne va pas paraphraser le bouquin, c’est inutile et peu honorable. En tout cas, Federico peut vous dire que Leslie Kenton commence par nous expliquer que les aliments cuits, ce n’est pas très bon pour la santé, et qu’il en est de même pour les aliments raffinés et/ou transformés. En effet, la cuisson tue la quasi-majorité des nutriments et complique la digestion (entre autres choses majeures de la vie du corps) ; la nourriture transformée (avec forte cuisson + ajout de joyeusetés chimiques) n’arrange pas non plus les choses. On serait donc constamment en santé « moyenne », avec les maladies chroniques que cela implique et les risques élevés d’avoir un jour un cancer de quelque chose. Encourageant n’est-ce pas ?

La solution de Leslie et ses copains-copines (et tout un tas de scientifiques qui se sont penchés sur le sujet au cours des derniers siècles), c’est le cru, qui stimule et désintoxique l’organisme. En fait, il faut préciser que si certaines personnes ont un régime à 100 % cru, Leslie nous parle plutôt d’un régime à 75 % cru. On privilégie donc les fruits et les légumes (à croquer ou en jus), ainsi que les graines germées et pas germées, les céréales, oléagineux et fruits secs, les produits laitiers, les huiles, etc. La cuisson n’est pas complètement bannie, mais il faut privilégier le mode « griller un peu » plutôt que « bouillir longtemps ». Et les soupes en hiver c’est toujours sympa. On trouve donc dans le bouquin des recettes et des tableaux pratiques. Voilà.

Tout ça c’est bien beau, mais il y a quelque chose qui ne va pas, mais alors pas du tout : les COQUILLES !!! Non, pas celles des œufs, celles de l’éditeur·trice… Par ses moustaches, c’est toujours aussi insupportable pour Federico de lire un bouquin rempli de coquilles : fautes de conjugaison, mots ou lettres manquantes, parenthèses ouvertes mais pas refermées (quasi systématiquement, c’est pas compliqué pourtant >>), et un grave problème de réglage de la chasse de la typo du point de vue des apostrophes (comment ça déformation professionnelle ? nonnonpasdutout). Bon, ne croyez pas que le livre soit rempli de coquilles, mais il suffit toujours qu’il y en ait un peu pour qu’il y en ait trop…

Pour finir sur un point positif et non négligeable, Leslie semble avoir une passion pour la carotte, Federico ne va pas la contredire… en voici trois qu’elle se fera un plaisir de croquer, râper, tailler, mixer, centrifuger, aux choix.

L’énergie du cru : les bienfaits de l’alimentation cru, Leslie Kenton, traduction de Karen Vago, Éditions Jouvence, 2014 (première fois publié en 2003), 224 pages

12
Oct
14

La compagnie des menteurs

noté 3 sur 4

Quand on commence ce livre, on n’a pas envie de lire autre chose. Ce texte hybride situé quelque part entre le thriller historique et le conte fantastique est d’une densité telle qu’elle a enveloppé Federico et l’a embarqué dans une aventure mystérieuse et très inquiétante.©Sonatine

L’Angleterre au XIVe siècle, c’est pas sympa. Il y a des loups, la peste et des gens qui vous torturent pour un oui ou pour un non. Entre autres. Au début du roman on rencontre un camelot qui promène sa gueule cassée de foire en sanctuaire. Avec la peste qui se déclare tout le monde se jette sur les routes (ah, les débiles, comme s’ils allaient y échapper en courant très vite !) et le camelot se retrouve, au hasard des rencontres, à voyager avec d’autres personnages qui sont ont deux points communs : ils ont un très gros secret dans leur sacoche et ils fuient (mais qui ? mais quoi ?).

Chacun est bien décidé à garder son secret et, mis au pied du mur, parvient à le déguiser sous une histoire à la lisière du fantastique, où démons et loups garous s’en donnent à cœur joie. Ces contes racontés à la faveur d’un maigre feu ne parviennent pas à faire fuir la nuit et ses dangers. La compagnie évolue dans une atmosphère de méfiance très communicative : Federico attendait toujours le prochain coup fourré.

Avec la peste qui tue tout le monde, plein de concepts sympas sont mis en avant. On marie des handicapés pour échapper au fléau, on pourchasse les juifs, parce que de toutes façons c’est toujours de leur faute, et on fait dire ce qu’on veut aux gens en leur chatouillant les pieds… avec des objets contondants. La plongée dans cette époque étonnante et très angoissante est passionnante. C’est d’ailleurs pour cette raison que Federico n’a pas vu venir une grande partie des révélations du livre et qu’il pardonne à la personne sous payée qui a rédigé le résumé de quatrième de couverture en regardant Inspecteur Derrick.

Malgré certains passages un peu plus faibles l’ensemble est vraiment très prenant. Notre ami lapin a vécu ce voyage à fond, a supporté le sale caractère des nombreux héros et partagé leurs craintes.

Karen Maitland, trad. Fabrice Pointeau, La compagnie des menteurs, Sonatine, mars 2010, 650 p.

03
Oct
14

Nos jours heureux

noté 3 sur 4

En commençant ce livre, Federico a senti que c’était mal parti. La faute revient à l’héroïne de ce roman Coréen : Yujeong. Cette jeune fille issue d’un milieu aisé vient de faire une tentative de suicide, se sent incomprise et très malheureuse. Aux yeux de notre ami lapin, c’est surtout une jeune égoïste qui se nourrit d’une colère vaine.

Quand sa tante Monica, une religieuse, l’oblige à l’accompagner dans ses visites de prisonniers condamnés à mort, elle y va à reculons. Dans la prison, elle va rencontrer un homme condamné pour le meurtre d’une femme et le viol d’une jeune fille. Deux crimes qui révulsent Yujeong.©Philippe Picquier

Mais les apparences sont bien trompeuses et notre ami lapin a rapidement découvert que ces deux personnages très différents sont bien plus que ce qu’ils ne laissent transparaître. Comme il est plaisant de se prendre d’affection pour des personnages qu’on trouvait antipathiques dans les premières pages ! C’est ainsi que se créée une relation unique avec un roman. Cette belle construction des personnages et la découverte progressive et pudique de leurs blessures respectives accompagne à merveille le propos principal du livre : la peine de mort.

Cette dernière, toujours appliquée en Corée du Sud, est évidemment au cœur du roman d’une auteure particulièrement engagée sur la question. Par sa dimension universelle, Nos jours heureux a souvent évoqué Le dernier jour d’un condamné de Victor Hugo, car il est dépouillé de propos juridique ou politique (même si c’est un sujet inévitablement politique) et se concentre sur les sentiments profonds des personnages.

Au delà de la réflexion sur la peine de mort, Gong Ji-Young propose un beau questionnement sur la mort en général, le bien, le mal et la religion, le tout appuyé par des citations qui en font un roman plein d’érudition.

À travers le personnage de Monica, la religion chrétienne est très présente mais ne se fait pas pesante. Ce sont ses messages d’amour et de pardon qui sont mis au centre, et ce sont des aspects que le monde semble un peu oublier.

Malgré un sujet difficile et la présence constante de la mort sous toutes ses formes (le suicide, l’exécution, la maladie, la vieillesse, le meurtre, etc), notre chroniqueur aux longues oreilles garde une sensation de douceur et de paix émanant de ce très beau livre.

Pour en savoir plus sur son auteure très engagée, c’est par ici.

GONG Ji-Young, trad. Choi Kyungran et Isabelle Boudon, Nos jours heureux, Éditions Philippe Picquier, août 2014, 332 p.

25
Sep
14

Constellation

noté 3 sur 4

Le 28 octobre 1949, l’avion Constellation d’Air France s’écrase dans l’archipel des Açores. Aucun des passagers ne survit. Parmi eux, on trouve le boxeur Marcel Cerdan mais aussi des anonymes. L’auteur retrace l’histoire de ces passagers victimes du destin et alterne avec le récit du crash et de ses suites. Il s’attarde sur ces ruses du destin qui font que, pressé par Édith Piaf de le rejoindre au plus vite, Marcel Cerdan a piqué leur place à des passagers qui finalement n’auront pas regretté de ne pas avoir pris ce funeste vol.©Stock..

Pour son premier roman, Adrien Bosc réussit parfaitement l’exercice de redonner vie aux victimes tout en nous captivant avec l’enquête qui a suivi l’accident. Les équipes envoyées sur place après le crash ont tenté de comprendre comment l’avion avait pu à ce point dévier de sa trajectoire pour aller se cogner à une montagne, sur une île où il n’avait rien à faire. Ce roman très émouvant et très joliment écrit a beaucoup touché Federico. On découvre un épisode méconnu de l’histoire de l’aviation ainsi que le destin fascinant de la violoniste Ginette Neveu. Les plus jolis passages sont ceux consacrés à l’étonnant parcours du violon de la musicienne. Disparu lors de l’accident, des débris en seront récupérés bien plus tard et après être passés entre plusieurs mains ils seront finalement identifiés par le luthier de Ginette Neveu. Au détour d’une réflexion sur l’art et le destin, l’auteur s’égare parfois dans des digressions lyriques un peu obscures mais cela n’entache pas le plaisir de lecture.

Adrien Bosc, Constellation, Stock, août 2014, 198 pages

10
Sep
14

À l’orée de la nuit

Un roman de Charles Frazier

noté 3 sur 4

Si Federico avait lu ce livre sans en connaître l’éditeur, il l’aurait aveuglément classé chez Gallmeister, l’éditeur spécialisé dans les romans américains âpres et sauvages. En effet, À l’orée de la nuit flotte, difficilement classable, entre le nature writing, le thriller et le western.

©GrassetFinalement, c’est Grasset qui nous offre cette histoire au rythme lent, aux personnages crépusculaires et aux montagnes imposantes (les Appalaches, ça prend de la place dans un paysage, oui madame). Si le récit tourne autour de plusieurs personnages en leur confiant la narration à tour de rôle, c’est Luce qui, aux yeux de notre ami lapin est l’héroïne de ce roman. Cette jeune femme a choisi de quitter la compagnie des hommes pour vivre au rythme des saisons dans une maison dont elle est la gardienne. Le jour où sa sœur est assassinée par son compagnon, Bud, elle se retrouve chargée de ses neveux, des jumeaux mutiques et pyromanes. Ce petit changement de programme va évidemment bouleverser son quotidien bien réglé. Elle va devoir essayer d’entrer en contact avec ces enfants traumatisés tout en les empêchant de faire de très grosses bêtises (comme mettre le feu à la maison ou se noyer dans le lac). Les choses vont se compliquer encore plus quand Bud, innocenté du meurtre de sa femme, va se mettre en tête de récupérer son argent, persuadé que ce sont les jumeaux qui le planquent.

Ce roman n’est pas hyper captivant, les personnages ne sont pas hyper attachants et la confrontation entre tout ce monde ne crée pas un hyper-suspense (si, ça se dit). Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser en lisant la phrase précédente, À l’orée de la nuit a plutôt plu à Federico. Il a beaucoup aimé cette sensation étrange que l’histoire n’est pas là pour séduire un lecteur mais plutôt pour s’imposer à lui. On se laisse mener par le rythme lent et on subit le caractère difficile des héros. Même s’il ne se sentait pas passionné par l’histoire, notre ami lapin avait toujours du plaisir à reprendre sa lecture et à entrer à nouveau dans son ambiance sombre. En plus de cette étrange sensation, il restera marqué par l’empreinte de la philosophie de vie de Luce et sa réflexion autour du sens de l’existence.

Charles Frazier, À l’orée de la nuit, Grasset, septembre 2014, 384 p.

02
Sep
14

Le règne du vivant

Un roman d’Alice Ferney

noté 3 sur 4

Dans un premier temps, Federico a été assez déconcerté par ce roman au ton résolument journalistique. Et pour cause le narrateur en est un, de journaliste. Il s’engage aux côtés de militants écologistes qui luttent contre les pêches intensives et le massacre des baleines, requins et autres animaux marins.©Actes Sud À la tête de cette organisation, se trouve un homme déterminé et jusqu’au-boutiste : Magnus Wallace. Depuis des années il sillonne les mers du monde à la barre de l’Arrowhead, un brise-glace, et traque les pêcheurs qui contreviennent à des lois que personne ne semble pressé de faire appliquer. Dans ce monde cynique où la vie d’un cétacé et les merveilles des fonds marins ne pèsent rien face aux intérêts financiers, il est le seul à s’élever et à agir réellement. Ses moyens sont pour le moins expéditifs : il poursuit les pêcheurs et n’hésite pas à endommager les navires. Résultat des courses, sa tête est mise à prix dans bien des pays et les autres organisations écologistes lui tournent le dos. Il garde sans cesse à l’esprit que la planète où il vit est l’héritage de ses enfants et rien ni personne ne le détournera de sa dangereuse mission.

Si notre ami lapin était fort troublé au début de sa lecture, c’est que ce portrait d’un écologiste hors du commun ressemble à s’y méprendre à celui-ci :

©Long cours

Cette belle page est la première d’un article de Natacha Calestrémé consacré à l’écologiste Paul Watson, publié dans la revue Long Cours n°7. Si vous n’êtes pas encore en possession de cette merveilleuse publication, précipitez-vous chez votre libraire, commandez-les, abonnez-vous, faites quelque chose ! (Mais quoi que vous fassiez, merci de ne pas le faire sur Amazon).

Loin de ne pas apprécier ce parallèle, Federico craignait plutôt que ce style soit lassant à la longue. Fort heureusement, on s’habitue vite à cette narration qui est mêlée à des réflexions très introspectives sur l’engagement, de beaux moments de contemplation et des passages d’action très tendus.

Par-dessus tout, ce roman met en avant la tragédie écologique qui se joue depuis plusieurs décennies et la violence inouïe avec laquelle l’homme traite les animaux. De quoi en faire culpabiliser plus d’un !

Alice Ferney, Le règne du vivant, Actes Sud, août 2014, 208 p.




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