Archive pour mars 2012

30
Mar
12

L’avalée des avalés

Un roman de Réjean Ducharme.

Difficile de parler de L’avalée des avalés, premier texte publié par le québécois Réjean Ducharme et lecture incontournable des lycéens de la province. Lui-même, Fredo a eu du mal à définir s’il avait apprécié ou non ce livre. Au vu des trois carottes, la réponse est donc plutôt positive.

Chose étrange que ce roman dont un court épilogue – de la main de l’auteur – résume la totalité de l’histoire… Chose étrange que cette narration décousue et profonde de la petite Bérénice Einberg, héroïne du roman.

Les parents Einberg, une mère catholique polonaise et un père juif, exilés dans une abbaye sur une île québécoise, ont décidé de se partager l’éducation de leurs enfants. Le premier né, Christian, suit l’enseignement catholique de sa mère, et la seconde, Bérénice, l’enseignement juif de son père. À cette étape, il est difficile pour Fredo de vous en dire plus, car il y a peu et tant à dire… Le cœur même de l’histoire réside dans l’esprit de Bérénice : comment elle voit l’univers qui l’entoure, fillette puis adolescente.

Si notre ami écureuil a premièrement été déboussolé par ce long discours déroulé par la jeune narratrice, alimenté de ses mots inventés, il a très rapidement compris qu’il devait s’immerger totalement dans ce récit pour qu’il l’avale à son tour…

Il a alors compris que ce n’est pas un long monologue verbeux, mais davantage le déroulement du fil de la pensée de Bérénice, qui appréhende et combat le monde dès son plus jeune âge. Enfant privée de l’amour de ses parents, nourrie avec la haine qu’ils se vouent entre eux, Bérénice accuse les adultes de ne pas savoir vivre. Elle voue une admiration sans faille à son frère Christian, garçon taciturne, et à son amie Constance Chlore. Ambiguë, éprise de folie et d’exubérance, elle veut mordre à pleine dent dans l’intensité des moments qu’elle s’octroie avec force. Le personnage de Bérénice est le portrait surnaturel d’une enfant haute en couleurs, qui dérange et séduit le lecteur par tant de liberté. Elle n’est pas facile à oublier…

Ce roman dispose donc d’une narration intense qui a réussi à capter l’intérêt de notre écureuil, sans qu’il s’en aperçoive. Trois carottes pour cette prouesse !

L’avalée des avalés, Réjean Ducharme, Gallimard, 1966, 378 pages

24
Mar
12

Hunger Games

Trois romans (ado) de Suzanne Collins.

Federico est un lapin tendance. Pour vous le prouver, il va consacrer un long article hyper structuré à ce grand succès de la littérature adolescente qu’est la trilogie Hunger Games.

L’adaptation cinématographique qui vient de sortir va-t-elle faire exploser les ventes pour faire place à un nouveau phénomène Twilight ? Lecteurs avides, vous vous ronger les patounes en vous demandant si OUI ou NON vous devez lire Hunger Games avant que le succès n’arrive, encore plus grand, encore plus médiatique. Mais n’ayez crainte ! Votre guide aux grandes oreilles est là pour trancher la question.

OUI ! Notre ami lapin vous conseille fortement la lecture de la trilogie best-seller, et il s’en va de ce pas vous expliquer pourquoi.

Introduction : La folle histoire

Federico voudrait vous parler des trois tomes de cette saga tout en rebondissements, mais il serait ainsi obligé de vous dévoiler des éléments clés des intrigues qui se nouent et se dénouent tout au long de l’histoire, et ça, il ne veut pas !

Pour résumé sans spoiler, Federico peut vous dire que l’histoire se situe à Panem, une société totalitaire construite sur les vestiges des États-Unis. Dirigée par le Capitole, elle organise chaque année des jeux de la faim, les Hunger Games, créés afin de punir et garder le contrôle sur les douze districts suite à leur rébellion 74 ans auparavant. Douze filles et douze garçons, âgés entre 12 et 18 ans, sont tirés au sort et jetés dans l’arène où ils se livrent un combat à mort sous l’œil des caméras et des juges. Toute la population de Panem est contrainte d’assister à cet abject spectacle.

Voilà pour le (joyeux) décor.

Alors que sa jeune sœur Prim est désignée pour participer aux prochains jeux, Katniss se porte volontaire pour la remplacer. Elle se retrouve projetée dans le cruel engrenage de cette arène où elle va devoir lutter pour sa survie et tenter de conserver son humanité.

Vous venez de faire connaissance avec l’effrontée et courageuse héroïne de la saga Hunger Games. Découvrez maintenant ce qui rend ces romans uniques.

Grand un, petit a : Une héroïne qui n’a rien demandé 😦

Contrairement aux univers de la fantasy ado, Katniss n’est pas l’élue-qui-sauvera-le monde-du-méchant-qui-veut-répandre-le-mal. Elle est, malgré elle, contrainte de se battre pour sa survie mais aussi pour échapper à ceux qui veulent l’utiliser. En effet, les Hunger Games ne sont rien d’autre qu’une émission de télé-réalité avec tout ce que cela implique : images chocs, candidats soumis au bon vouloir des juges, mise en scène, exacerbation des sentiments les plus vils, voyeurisme, etc. La seule différence avec les programmes qui existent dans la vraie vie, c’est que les candidats sont éliminés… définitivement. Federico a été interpellé par ce portrait acerbe de la société du spectacle qui dénonce la manipulation des images pour servir une cause ou contrôler une population, ainsi que les dérives de ces pratiques.

Grand un, petit b : Des thématiques vachement pas ordinaires

Hunger Games est une histoire de survie, de manipulation, de médias… et d’amooour. Aux yeux de Federico, elle peut trouver écho chez les adolescents et les inciter à s’intéresser, à comprendre, et éventuellement à remettre en question le monde dans lequel ils vivent. Notre ami lapin y a lu des messages de paix, de tolérance, et même de respect de l’environnement (des problématiques assez actuelles, non ?). L’ouverture au monde est essentielle dans ces livres, en opposition à l’égocentrisme des romans sentimentaux à la mode dont on abreuve la jeunesse… Mais rassurez-vous chers lecteurs, les héros et leurs aventures haletantes ne sont pas remisés au second plan au profit d’une morale : celle-ci demeure sous-jacente.

Grand deux, petit a : Une histoire qui envoie du lourd !

Au cours de sa lecture, Federico oscillait perpétuellement entre la peur et l’excitation de tourner la page, viscéralement scotché à l’histoire, comme si sa vie était également en jeu ! Suzanne Collins réussit à instaurer un suspense qui perdure en intensité et en qualité d’un bout à l’autre des romans.

Sa recette ? Une louche de dangers mortels, de drames et d’émotions confuses, une cuillère à soupe d’hémoglobine et une pincée de sadisme. Cela a beaucoup plu à notre gentil lapin ! Mais c’est surtout la complexité des personnages et leur rôle ambigu qui l’ont captivé, jusqu’à peupler son sommeil de mille interrogations… « Qui va mourir aujourd’hui ? »

Grand deux, petit b : Une narration au poil

Un autre ingrédient magique de l’auteur est de nous plonger dans la tête de Katniss avec perfection. Le lecteur se retrouve ainsi happé au cœur de l’action, au plus près des émotions de l’héroïne. Ce point de vue est fidèlement conservé d’un bout à l’autre du récit, quitte à parfois déstabiliser le lecteur (quand il partage la confusion de Katniss), mais lui offrant un récit plus authentique et plus cohérent.

L’écriture de Suzanne Collins sert à merveille cet efficace choix narratif. Son style élaboré évite toutefois les effets faciles ; les mots s’effacent au profit de l’action et de l’émotion, abattant toutes les barrières entre le lecteur et les personnages. L’auteur ne prend pas ses lecteurs pour des quiches, et ça, Federico approuve !

Conclusion : Quoi ?! Vous ne l’avez pas encore acheté ?

Vous l’avez compris, Federico a trouvé beaucoup de qualités à cette saga. Il est vrai que la violence est très présente, c’est pourquoi notre sage rongeur pense que ce livre n’est pas à placer entre de trop jeunes pattes. Cette exception faite, ces livres s’adressent à un large public et ont le mérite d’aborder des sujets très politiques en les mêlant à une intrigue passionnante. De plus, leur écriture fluide les rend encore plus accessibles et populaires.

N’hésitez plus à lire Hunger Games ! Vous ferez peut-être quelques cauchemars, mais Federico vous garantit qu’il seront plein de rebondissements et d’inventivité…

Hunger Games, Suzanne Collins, Pocket Jeunesse, 2009, 400 pages

Hunger Games : L’embrasement, Suzanne Collins, Pocket Jeunesse, 2010, 400 pages

Hunger Games : La révolte, Suzanne Collins, Pocket Jeunesse, 2011, 432 pages

16
Mar
12

Federico, en vers et contre tout

En ce moment, c’est le Printemps des Poètes. À cette occasion, Federico a décidé de célébrer la poésie avec vous lecteurs et de vous régaler d’articles profonds écrits en alexandrins.

Sauf que…

Sauf que notre ami lapin n’entend rien à cet art de jongler avec les mots et leurs sonorités. En dehors du groupe Baudelaire-Hugo-Rimbaud-Verlaine que l’éducation lapine a placé dans son cartable d’écolier, notre rongeur n’a que rarement mis ses moustaches dans un recueil de poésie. Cet aveux sonnerait-il le glas de la chronique poésie de Federico ?

Pas de panique amis lecteurs ! Le Printemps des Poètes est là pour apporter la poésie à tous, de façon décomplexée et ludique. Cette année, le thème est « Enfances ». Pouvait-on rêver meilleur prétexte pour que Federico vous parle de poésie à sa façon ?

Ni une ni deux, notre ami lapin braque les projecteurs sur Rue du Monde, maison d’édition jeunesse engagée et colorée. Sa devise est « interroger et imaginer le monde ». Ainsi, les auteurs qui figurent à son catalogue, dont Alain Serres (l’éditeur) et Zaü, créent des livres intelligents et superbement illustrés qui sensibilisent les enfants à leur rôle de citoyen du monde. Cette maison d’édition est toujours sur le qui vive quand il s’agit de défendre le livre et la diversité culturelle. On lui doit notamment quelques slogans malicieux, dont « travailler moins pour lire plus » et « le livre est un aliment indispensable aux enfants. La TVA doit rester à 5,5 %».

Chaque année, Rue du Monde anime le Printemps des Poètes grâce à des anthologies poétiques qui dépoussièrent les cahiers de récitations. Leurs seules couvertures sont une explosion de couleurs. La preuve en images (animées et pétillantes) :

Parmi toutes ces belles choses, Federico voudrait attirer votre attention sur la collection « Les Petits Géants ». Le principe en est simple : chaque ouvrage contient un seul et unique poème, illustré en quelques pages par des illustrateurs prestigieux. Ainsi, ces petits albums carrés permettent d’apporter la poésie – d’ici et d’ailleurs, avec « Les Petits Géants du Monde » – aux petits comme aux grands, en la présentant comme une histoire classique. Une preuve de plus que Rue du Monde est une maison d’édition qui mêle les genres et les auteurs pour offrir un catalogue qui abolit les frontières ! Cerise sur le gâteau, Federico a fabriqué une autre animation pour vous dévoiler cette collection.

Pour finir, précisons qu’Alain Serres et ses auteurs déclarent régulièrement leur amour à leur lectorat. Dans une belle lettre ouverte aux critiques littéraires, l’éditeur rappelle l’importance de l’édition jeunesse et signe un bel hommage à l’imagination et à la créativité.

15
Mar
12

Prochain épisode

Suite des lectures hivernales de Fredo autour de la thématique historique « Révolution tranquille » avec :

Prochain épisode

Un roman (adulte) de Hubert Aquin.

Autant vous le dire tout de go, Fredo n’a pas du tout aimé ce roman dont il a expédié la lecture pour pouvoir rapidement passer à autre chose…

Déjà, la situation du récit est pas mal floue : c’est l’histoire d’un homme en prison, en attente de son jugement, qui écrit une histoire qui semble être la sienne, c’est-à-dire celle-ci :

Un québécois est mandaté par les groupes nationalistes du FLQ pour assassiner un agent canadien du mouvement contre-révolutionnaire. L’action se déroule en Suisse, entre Genève, Lausanne et le lac Léman, sur les routes montagneuses et dans les belles résidences des bois.

Fredo n’y connait rien à la géographie de ce pays alpin, mais cela n’aurait pas été un problème si le narrateur ne passait son temps à ressasser dans tous les sens les lieux qu’il a visité, qu’il visite et qu’il visitera, en Suisse et au Québec. Si ce n’était que ça… mais c’est toute sa vie qu’il ressasse : K « la femme qu’il aime » et leur rencontre entre « le 24 juin et le 26 juillet », l’homme à abattre H. de Heutz, son rendez-vous à six heure et demi sur la terrasse de l’Hotel d’Angleterre, pour ne citer que quelques lubies… Le peu d’action est englouti dans le flot de pensée du narrateur, retirant alors tout l’intérêt que le lecteur aurait pu avoir dans l’intrigue a priori pleine de suspens.

Ce sont donc toutes ses incessantes références répétées à longueurs de paragraphe qui ont épuisé notre écureuil et empêché toute attache à l’histoire et à ses personnages. Si Fredo n’a rien contre les réflexions littéraires sur la vie, l’amour et la mort, celles-ci, longues, pénibles et infructueuses, l’ont laissé aussi froid que le marbre du salon d’un château suisse.

Prochain épisode, Hubert Aquin, Bibliothèque québécoise, 1965, 174 pages

14
Mar
12

L’enfirouapé

Sorti de son hibernation hivernale, le cousin Fredo gambade avec joie dans les flaques de neige fondue, museau frissonnant dans le vent printanier. De retour parmi ces congénères friands d’histoires, il exhume pour vous de son nid douillet les ouvrages québécois qui ont accompagné sa retraite.

Pour débuter, Fredo va vous parler de deux romans qui prennent chacun pour décor une page importante de l’histoire du Québec, celle de la Révolution tranquille.

Parenthèse historique : s’étendant sur les années 1960, la Révolution tranquille marque la construction de l’actuelle province québécoise et de son identité francophone. Elle sera notamment marquée par la Crise d’Octobre de 1970 déclenchée par la cellule armée du Front de libération du Québec (FLQ).

Commençons avec :

L’enfirouapé

Premier roman (adulte) de Yves Beauchemin.

En bon français québécois, Enfirouaper signifie « se faire avoir », « se faire arnaquer ».

Un beau matin, Maurice décide de quitter son travail ingrat dans une manufacture montréalaise pour aller tenter sa chance ailleurs (en commençant par se ressourcer chez ses parents…). Sur la route pour quitter la ville, il prend Julie en auto-stop. Bien mal lui en a pris… Si la jeune fille est charmante comme tout, elle aura la mauvaise idée de lui présenter son oncle, le député véreux Jerry Turcotte. Embobiné en beauté par ce dernier, Maurice passera trois années emprisonné à ruminer sa vengeance, et deviendra malgré lui un activiste de cette période troublée d’octobre 1970.

Fredo n’a eu aucune peine à entrer dans cette histoire, notamment à travers le ton détaché et burlesque de l’auteur. Les expressions québécoises (parfois potaches dans le discours du député et de son homme de main) nourrissent le récit d’une vitalité et d’une chaleur qui rendent la lecture accrocheuse. Il en est de même pour les personnages à la fois truculents et poétiques, étonnamment anormaux et attachants : le poète d’opérette, le muet conciliant, la jeune fille illuminée (au sens propre : elle voit Jésus !), le révolutionnaire buté, le (très) mauvais avocat, etc. Et, parmi eux, le héros qui, s’il n’est pas si bête que ça, parvient à se faire entuber par un personnage qui n’encourage pourtant aucune confiance et qui se révèlera finalement extrêmement pathétique lorsque le vent tourne.

Si l’on se doute dès le début que Maurice va « s’enfirouapé », il est par la suite perturbant de suivre le cheminement de personnages qui s’embrigadent dans une action révolutionnaire sans, semble-t-il, en avoir véritablement la volonté. Ce roman est donc à la fois cynique et tragique… une belle fable sur cette période troublée, mais faut-il la prendre au sérieux ?

L’enfirouapé, Yves Beauchemin, Éditions Stanké, 1974, 272 pages




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