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04
Nov
13

Shenzen & Chroniques birmanes

Deux bandes dessinées de Guy Delisle.

Souvenez-vous (pour les nouveaux, qu’est-ce que vous attendez pour vous plonger dans les entrailles de la bibliothèque de Federico ?), il y a 1 an, votre ami lapin vous parlait de Pyongyang et Chroniques de Jérusalem. Depuis tout ce temps, il a lu les deux autres récits de voyages de Guy Delisle. Cette fois-ci, Federico est partagé. Alors que Pyongyang et Chroniques de Jérusalem l’avaient régalé chacun à leur manière, Shenzen et Chroniques birmanes ne sont pas sur le même pied d’efficacité. En fait, c’est surtout Chroniques birmanes qui a déçu et un peu ennuyé notre ami lapin.

noté 2 sur 4

© Delcourt, 2007

Cet opus suit le même principe que Jérusalem : la somme de petites anecdotes qui retracent la vie quotidienne de l’auteur dans une ville, ici Rangoun sous le régime birman. Alors que son épouse travaille pour Médecins sans frontières, lui est homme au foyer, s’occupant de son fils et peinant à travailler sur ses bandes dessinées ; il s’ennuie pas mal, déprime un peu, et fait beaucoup de ballades à poussette (comme sur la couverture). Il n’y peut rien, le pauvre, mais c’est ça qui a refroidi Federico qui ne retrouvait pas le décryptage passionnant présent dans Jérusalem et qui permettait de mieux connaître la ville en question. Bien que l’on apprenne quantité de choses sur la Birmanie, cela demeure un peu flou, voire noyé dans le reste de la BD, les chroniques birmanes étant un peu longues pour le coup.

Chroniques birmanes, Guy Delisle, 2007, Delcourt, collection « Shampoing », 224 pages

noté 3 sur 4

© L'Association, 2000Quant à Shenzen, votre lapin favori a vraiment apprécié ! De tous, cet opus est celui où l’humour est le plus visible. Normal : face à l’incongruité et la monotonie de cette ville chinoise où les gens ne font que travailler, à deux pas de l’effervescence et du multiculturalisme de Hong Kong, on se délecte du regard grinçant et amusé de l’auteur, mais avec une pointe de tristesse tout de même. En parallèle avec Pyongyang où la dictature est (on va dire) « assumée », Shenzen montre les ressorts (et les failles) de la puissance mondiale qu’est désormais la République populaire de Chine. Le dessin est plus sombre, dense et travaillé, moins « ligne claire » que celui de Jérusalem et Birmanes, et donne un aspect déprimant et fantomatique à cette ville. La bande dessinée jouit alors d’une identité plus singulière et romancée que le simple carnet de voyage.

Shenzen, Guy Delisle, 2000, L’Association, 200 pages

22
Oct
13

La fabrique du monde

Un roman de Sophie Van der Linden.

noté 3 sur 4

« Petit mais costaud », voici ce que pense Federico du premier roman de Sophie Van der Linden (bien connue par les aficionados du livre jeunesse, mais ici ce n’est pas un livre pour enfants…). La Fabrique du monde raconte en effet une histoire courte et assez simple, mais bigrement dense de messages et de ressentis.

© Buchet Chastel, 2013Mei est une chinoise de dix-sept ans qui, comme des milliers d’autres jeunes filles de son pays, travaille comme couturière dans une usine. Les vêtements qu’elle manipule mécaniquement viennent grossir les commandes express des clients européens. Les journées sont longues et éreintantes ; les bols de nouilles sont engloutis vite fait, debout dans la file indienne, avant de retourner au travail jusqu’à la tombée de la nuit ; les courtes soirées sont consacrées à la toilette et aux discussions entre filles dans les dortoirs. Mei trouve le moyen de s’échapper de cet abrutissant quotidien dans son sommeil et ses rêves. Et, lorsqu’ils deviennent réalité, lorsque la beauté de la nature, de l’amour et de la liberté s’offrent à elle pendant quelques jours dans l’usine désertée pour les fêtes, Mei s’y jette corps et âme.

Sous la plume fine et sensuelle de l’auteure, notre ami lapin a découvert un roman à double facette : celles de la romance et du livre engagé. Pour le côté « love », il y a cette adolescente qui apprivoise ses sens et ses émotions avec le désir farouche de s’en remettre totalement à eux. Mais il demeure le côté « dark » (non non, pas de vampires mystérieux, ni d’anges dangereux, ni de loups garous ténébreux), celui de la dure réalité des vêtements « Made in China » vendus en Europe (c’est moins sexy). Autant vous dire tout de suite qu’ils ne vécurent pas heureux ni eurent beaucoup d’enfants.

Une fois refermé, ce petit livre résonne encore longtemps dans la tête de Federico : la paie misérable et les usines-dortoirs, le travail incessant et répétitif de l’usine qui anesthésie la pensée et les sens, l’état totalitaire de la République populaire de Chine, les perspectives d’avenir restreintes pour les jeunes chinoises des campagnes… et la fin aussi, pas si étonnante mais particulièrement radicale.

La Fabrique du monde, Sophie Van der Linden, Buchet Chastel, 2013, 160 pages

23
Juin
12

Dragonville, tome 1 : Porcelaine

Un roman (adulte) de Michèle Plomer.

Agréable découverte que ce roman de vie et d’aventure, entre la Chine et le Québec, entre 1910 et 2010. Notre ami écureuil vous conseille vivement ce roman, premier tome d’une trilogie, un nouveau titre de l’éditeur Marchand de feuilles dont il a déjà parlé ici, une belle fable pour votre été.

Dragonville alterne donc entre deux époques et deux pays. Nous suivons d’un côté les pas de Sylvie, québécoise revenue dans sa ville natale après de longues années passées en Chine. Sylvie rachète une ancienne blanchisserie et entreprend de la rénover afin d’y ouvrir pour la saison touristique une boutique de chinoiseries. Mais, pendant les travaux, les murs dévoilent d’innombrables inscriptions calligraphiées et d’étonnantes fresques représentants de majestueux dragons… Sylvie se lance dans la recherche de l’histoire de ces mystérieux idéogrammes incrustés dans les murs de ce modeste local situé aux abords d’un lac comme on en trouve des centaines au Québec.

De l’autre côté du globe, cent ans auparavant, c’est l’histoire de la ville de Hong-Kong qui nous est racontée. Celle du jeune Li à la beauté ravageuse et de sa mère, celle du commissaire de police écossais qui tente de déjouer les mystères de la ville, et surtout celle de Jung, le dragon protecteur de la cité, qui, en cachette, règne depuis des siècles sous les traits d’une femme.

Le destin de Sylvie semble lié à celui de la ville chinoise du début du siècle. De retour chez elle après le décès de sa mère, l’héroïne est désorientée par les responsabilités et les choix auxquels elle doit faire face. La rêverie de la boutique de chinoiserie qu’elle souhaite ouvrir sur la rue Principale se heurte à la réalité immobilière de la région : la vieille maison de son grand-père est la dernière demeure encore en place sur la rive près du lac, entourée par les nouvelles constructions modernes, futures résidences secondaires des citadins les plus fortunés.

Fredo a été emporté par cette lecture à la fois réelle et exotique, dont l’écriture franche se permet, avec naturel, quelques fantaisies et, bien sûr, quelques québécismes. Plus que l’histoire d’amour qui traverse les siècles, c’est la quête de Sylvie qui a le plus touché notre ami écureuil : l’héroïne est à un tournant de sa vie et recherche les valeurs et les projets qui pourraient l’emmener plus loin dans son parcours. Un « Qui suis-je ? Où vais-je ? » un peu plus ancré dans le quotidien, et qui nous emporte dans une agréable aventure.

Dragonville, tome 1 : Porcelaine, Michèle Plomer, éditions Marchand de feuilles, 2010, 314 pages.




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