« De la beauté » sont certainement les meilleurs mots qui soient pour débuter cet article. Federico a lu ce livre voilà déjà un petit bout de temps, mais il devait absolument en parler, tant les souvenirs qu’il en conserve réussissent à l’émouvoir encore.
Commençons par l’histoire. C’est celle d’un universitaire britannique, Howard Belsey, qui enseigne l’art du 17e siècle dans la ville américaine de Wellington ; spécialiste de Rembrandt, il planche depuis des années sur sa thèse sur le peintre flamand. Marié à Kiki, ils ont trois enfants métis : Jerome, Zora et Levi. L’aîné est à Londres et loge chez le rival d’Howard, Monty Kipps dont il s’est entiché de la très jolie fille, la sulfureuse Victoria, mais appelez-là Vee.
C’est là que commence l’histoire, et il se passe ensuite plein de choses, vraiment plein de choses.
Et justement, c’est là l’un des points forts de ce livre : l’histoire ne tourne pas autour d’une seule intrigue, d’un seul personnage, elle fourmille de péripéties inattendues, d’anecdotes, de descriptions, de rencontres imprévisibles… La narration omnisciente bascule d’un personnage à l’autre, sans encrage trop persistant chez l’un ou l’autre, et sans souci d’égalité en temps de parole. L’univers est alors tellement foisonnant et prolifique que tout ne peut être détaillé. Les non-dits et les ellipses font le charme de l’histoire qui ne s’attarde pas à tout dévoiler de chaque personnage, des conséquences de chaque événement. Si l’on peut être parfois déçu de ne pas en savoir davantage, on réalise après-coup combien le texte se révèle dense et suffisamment complexe.
Paradoxalement, de très nombreux passages a priori sans importance pour l’intrigue sont relatés minutes par minutes, et Federico pense là à l’interminable réunion de la faculté avec les discours à rallonge des universitaires sur tel ou tel problème de leur département dont on a cure. Sur ce plan d’ailleurs, on ne peut s’empêcher de penser à David Lodge et à l’academic novel, un genre littéraire dont pourrait faire partie le roman de Zadie Smith si l’intrigue se centrait sur les personnages d’Howard et Monty. Mais, justement, le lecteur se fiche quand même un peu de la querelle des deux loustics, on préfère suivre (entre autre) les pas de Zora et son caractère de cochon, de Levi et sa révolte identitaire, et surtout de Kiki, merveilleuse battante tour à tour épouse, mère et amie.
Parce que dans ce livre, il n’est pas vraiment question d’histoire de l’art, pas du tout même, mais de chassé-croisé amicaux et amoureux, de désir et de sanction, de culture et d’identité, de conflits raciaux et de luttes des classes. Nourries d’une écriture à la fois dense et fine, savamment rythmée par la musique des dialogues, les émotions et les sensations des personnages s’imposent à nous, nous dérangent et nous ravissent.
Federico a donc adoré cette lecture en raison de l’aisance avec laquelle on y plonge et la richesse qu’on y trouve, et ce malgré l’apparente complexité du récit et l’épaisseur de l’ouvrage… Aucun regret, donc.
Zadie Smith, De la beauté, Gallimard, 2007 (pour la traduction française), 592 pages, « Folio »